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Les révolutions, ces «accélérateurs de l’histoire»

Par Claude Gauvreau

5 février 2007 à 0 h 02

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Professeure de philosophie et spécialiste de la Révolution française, elle a l’habitude des projets ambitieux. Elle a édité, entre autres, de grands ensembles de textes comme Les procès verbaux du Comité d’instruction publique (1791-1795, 6 354 p.) et La Décade philosophique comme système (1794-1807, 4 576 p.). Aujourd’hui, Josiane Boulad-Ayoub dirige le projet visant à créer la première Encyclopédie virtuelle des révolutions, qui sera disponible sur Internet.

Ce projet, pour lequel elle a déjà reçu une subvention du Fonds de développement académique (FODAR) du réseau de l’Université du Québec, sera placé sous l’égide de la Chaire UNESCO d’étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique dont elle est la titulaire.

Il s’agit, explique Mme Ayoub, de mettre gratuitement à la disposition des chercheurs et des étudiants en sciences humaines, d’ici et d’ailleurs, les grands textes classiques et inédits se rapportant aux révolutions depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, documents qui seront aussi accompagnés de reproductions d’images (dessins, gravures, tableaux, etc.)

«Les époques révolutionnaires méritent une attention particulière parce qu’elles sont des accélérateurs de l’histoire et qu’elles marquent des moments clés de transformations sociales, politiques et culturelles, souligne Mme Ayoub. Ces périodes de bouillonnements, d’effervescence et d’enthousiasme ont jeté les bases de ce que nous sommes et de ce que nous faisons actuellement, agissant à la fois comme une légende et comme une promesse.»

Place centrale à la Révolution française

L’Encyclopédie virtuelle comprendra en premier lieu des documents concernant la Révolution française et ses institutions politiques et culturelles. Mme Ayoub et ses collaborateurs travaillent actuellement sur l’Encyclopédie méthodique (1782-1832) de l’éditeur français Panckoucke, particulièrement imposante avec ses 220 volumes et peut-être la plus difficile d’accès de toutes les synthèses encyclopédiques propres au mouvement des Lumières. «Nous nous attachons plus spécifiquement aux documents qui portent sur la jurisprudence, la philosophie, la théologie, l’économie politique et la géographie, précise Mme Ayoub. Par la suite, viendront se greffer divers textes liés aux révolutions scientifique (astronomie, physique, chimie, mathématiques) et esthétique des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles qui annoncent, préparent et accompagnent la révolution idéologique et sociale.»

À moyen terme, l’Encyclopédie inclura des textes portant sur les premières révolutions européennes (Pays Bas, Angleterre, États-Unis) et d’autres documents liés aux révolutions politique et scientifique du XXe siècle, comme la Révolution russe et même la Révolution tranquille au Québec.

Les ensembles de textes et d’images, qui seront aussi accessibles au grand public, engloberont non seulement des textes d’auteurs appartenant aux époques étudiées, mais aussi des analyses et des commentaires de spécialistes qui se sont intéressés aux phénomènes révolutionnaires. Leurs contenus, rigoureusement contrôlés par des experts, seront accompagnés de notices de présentation, d’annotations, d’index et de tables méthodiques de lecture.

Le projet comporte, bien sûr, des défis sur le plan technologique. Le passage du document imprimé au document électronique n’est pas simplement un changement de support. Il faut permettre aux utilisateurs de naviguer à travers un ensemble de documents interreliés de multiples façons, à l’aide de technologies de marquage symbolique et d’outils d’analyse et de recherche de pointe, souligne Mme Ayoub.

Un tel projet nécessite également la réunion de chercheurs de plusieurs disciplines et universités. Au Québec, les université membres du réseau de l’UQ à Trois-Rivières, Chicoutimi et Rimouski ont annoncé qu’elles participeraient au projet. Des partenariats sont aussi en voie d’être établis avec la Voltaire Foundation en Angleterre, l’Institut d’Histoire de la Révolution française à Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), le Musée Vizille de la Révolution, ainsi que deux universités japonaises.

«Je rêvais depuis longtemps que des textes et documents iconographiques d’importance majeure, mais difficiles d’accès, soient mis à la disposition non seulement du réseau de l’UQ, mais aussi de l’ensemble de la Francophonie et des universités des pays du sud, si dépourvues de ressources documentaires, raconte Josiane Boulad-Ayoub. Une fois que le projet sera sur ses rails, j’aurai l’esprit tranquille et pourrai songer à la retraite. En attendant, pour paraphraser Victor Hugo, nous allons mettre le bonnet rouge sur les vieilles encyclopédies.»