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Une Amérique latine plurielle

Par Pierre-Etienne Caza

30 avril 2007 à 0 h 04

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

«J’ai appris que j’étais latino-américain quand je suis arrivé ici!», s’exclame en riant Juan-Luis Klein, professeur au Département de géographie et chercheur rattaché au Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES).

Natif du Chili, il explique le paradoxe suivant : historiquement, le référent identitaire des peuples dits latino-américains est l’Amérique et non l’Amérique latine. «Les grands chantres et les grands poètes décrivent les luttes de leurs peuples en parlant de l’Amérique, tout comme le faisait Simón Bolívar face aux troupes espagnoles lors de l’émancipation des colonies au début du XIXe siècle, mais puisque les États-Unis se sont approprié l’Amérique au sens linguistique, les Latino-américains reconstruisent présentement leur référent identitaire», constate le professeur Klein. L’un des chapitres de son plus récent ouvrage, intitulé Le monde dans tous ses États, porte sur l’Amérique latine.

Paru l’an dernier aux Presses de l’Université du Québec, ce livre, qu’il a dirigé avec son collègue Frédéric Lasserre de l’Université Laval, est le résultat de plusieurs années de recherche sur les effets de la mondialisation sur les espaces nationaux et locaux selon une perspective géographique. «Alors que les autres perspectives s’attardent la plupart du temps aux dimensions homogénéisantes de la mondialisation, nous analysons plutôt les spécificités des lieux qui sont traversés par des enjeux et des tensions distincts et vivent donc la mondialisation de façon différente», affirme M. Klein. Selon lui, le cas de l’Amérique latine est un bon exemple de ce qu’il nomme la «glocalisation», amalgame de l’adjectif «local» et du concept de globalisation.

«On doit plutôt parler des Amériques latines», explique-t-il. Dans son ouvrage, il présente les six grands ensembles régionaux que sont le Mexique, l’Amérique centrale, les Antilles, l’Amérique andine (Colombie, Bolivie, Venezuela, Pérou et Équateur), le Brésil et le Cône Sud (Argentine, Chili, Paraguay et Uruguay), et il analyse les défis économiques, sociaux, politiques et environnementaux auxquels chacun devra faire face au cours des prochaines années.

Il voit se dessiner deux tendances. D’une part, la recherche d’un équilibre entre marché et équité sociale, notamment au Brésil, en Argentine, en Uruguay et au Chili; d’autre part, un courant fortement nationaliste, voire régionaliste (au sens continental du terme), incarné par Hugo Chávez au Venezuela, mais aussi présent en Bolivie, en Équateur, au Nicaragua et au Pérou. «Les deux tendances prônent cependant une démocratisation du social et du politique, mais par des voies différentes, explique-t-il. Comme la plupart de ces pays ont vécu des épisodes de dictature fortement autoritaire et centralisatrice, c’est réjouissant de constater que les citoyens ont de plus en plus voix au chapitre.»

Le professeur Klein espère toutefois que le nouvel équilibre entre développement économique et développement social ne se fera pas aux dépens des plus démunis – peu représentés politiquement dans plusieurs pays (le Chili par exemple) –, parmi lesquels de nombreux indigènes, longtemps soumis mais qui aujourd’hui, comme dans le cas de la Bolivie et du Mexique, ne se gênent plus pour se faire entendre.