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Apprendre à lire dès la maternelle

On peut prévenir les difficultés d’apprentissage en lecture par des mesures spécifiques au préscolaire, affirme la doyenne Monique Brodeur.

Par Claude Gauvreau

19 mars 2012 à 0 h 03

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

Près de 50 % des Québécois (16 % d’analphabètes et 33 % d’analphabètes fonctionnels) éprouvent des difficultés importantes à comprendre un texte simple et à en extraire les informations essentielles. Leur niveau de littératie se situe en deçà du niveau nécessaire pour compléter des études secondaires et pour trouver un emploi de base sur le marché du travail.

Des études ont démontré que les adultes qui peinent à lire présentaient, dans la plupart des cas, des lacunes à la maternelle ou durant la première année du primaire. «La recherche nous apprend qu’il est fondamental de soutenir, dès le préscolaire, l’acquisition d’habiletés phonémiques, ainsi que l’apprentissage de l’alphabet», souligne la doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation, Monique Brodeur.

Orthopédagogue de formation, celle-ci présidera le 37econgrès de l’Association québécoise des troubles d’apprentissage (AQUETA), qui se déroule à Montréal du 21 au 23 mars prochains. Près de 2 000 personnes sont attendues. «L’apprentissage tout au long de la vie» est le thème central du congrès, qui abordera divers sujets, tels que les stratégies d’apprentissage en lecture, écriture et mathématiques, les troubles du langage, le trouble de déficit de l’attention (avec ou sans hyperactivité) et la collaboration école-famille.

Renforcer la formation des orthopédagogues

Les élèves handicapés ou ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) représentent environ 16 % de l’ensemble des jeunes dans les écoles publiques du Québec (du préscolaire au secondaire). De ce nombre, les élèves ayant des difficultés d’apprentissage et, dans certains cas, des troubles d’apprentissage, forment la majorité.

«Nous savons que les élèves issus de milieux défavorisés ou allophones sont plus à risque de connaître des difficultés d’apprentissage, rappelle Monique Brodeur. Ces difficultés, notamment en lecture, peuvent toutefois être prévenues si des mesures spécifiques sont implantées dès la maternelle.» Il est aussi possible d’atténuer l’impact des troubles d’apprentissage en matière de lecture (dyslexie) d’écriture et de mathématiques, poursuit la doyenne.

On se rappellera que le milieu de l’éducation s’était mobilisé, en décembre dernier, contre certaines dispositions du guide explicatif du projet de loi 21, qui vise à modifier le Code des professions dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines. Le guide proposait d’inclure les troubles d’apprentissage dans les troubles mentaux et de réserver leur identification aux seuls membres d’ordres professionnels, laissant à l’écart les orthopédagogues. «Des discussions sur ces questions entre l’Office des professions du Québec et les représentants du monde de l’éducation sont en cours», déclare Monique Brodeur.

Ce sont les orthopédagogues qui, depuis les années 70, interviennent auprès des élèves ayant des difficultés ou des troubles d’apprentissage. Ils collaborent à l’identification de ces troubles par une évaluation fine en lecture, en écriture et en mathématiques. Depuis 2002, à la suite des recommandations du Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE), la formation de premier cycle spécialisée en orthopédagogie est disparue des universités québécoises. Celles-ci offrent désormais un programme de baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale qui initie les étudiants à l’orthopédagogie. Pour permettre à ces étudiants et aux orthopédagogues en exercice d’acquérir une formation plus approfondie, l’UQAM a créé en 2010 la première maîtrise professionnelle en orthopédagogie au Québec. «Selon plusieurs, orthopédagogues et universitaires, la maîtrise en orthopédagogie devrait devenir l’exigence de qualification pour l’exercice de la profession d’orthopédagogue au Québec», note la doyenne.

Une ceinture de sécurité

Les difficultés des élèves du primaire en lecture et en écriture constituent l’une des sources de l’échec et du décrochage scolaires. Pour soutenir ces apprentissages, des équipes de chercheurs de l’UQAM ont développé différents programmes d’intervention – Mimi et ses amis, La forêt de l’alphabet, Le sentier de l’alphabet, Apprendre à lire à deux –, dont l’efficacité a été vérifiée dans le cadre d’études expérimentales, en collaboration avec le milieu scolaire. «Leur implantation permet de diminuer de moitié le nombre d’élèves en difficulté et contribue à réduire les écarts de réussite entre les filles et les garçons, de même qu’entre les enfants issus de milieux défavorisés et favorisés, souligne Monique Brodeur. Agissant comme une ceinture de sécurité, ils ne nuisent pas aux enfants qui apprennent avec facilité et permettent à ceux qui sont à risque d’augmenter leurs chances de réussite.»

La doyenne insiste sur l’importance de réaliser des recherches longitudinales afin de suivre les progrès des élèves durant tout leur parcours scolaire et de mettre au point des interventions pédagogiques et orthopédagogiques efficaces. «Certes, beaucoup reste à accomplir, dit-elle. Mais la recherche a permis de développer des approches pédagogiques mieux adaptées aux élèves qui ont des besoins particuliers. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes ayant éprouvé des difficultés d’apprentissage parviennent à poursuivre des études collégiales, et même universitaires.»