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Le militantisme à l’heure des médias sociaux

Les médias sociaux sont-ils vraiment un lieu d’émancipation pour la base des partis politiques?

25 octobre 2013 à 10 h 10

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

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Est-ce qu’Internet modifie le schéma communicationnel traditionnel pour les militants des partis politiques? Ceux-ci peuvent-ils utiliser les médias sociaux à leur guise pour faire avancer leur cause au sein de leur formation politique? «Chaque fois qu’un nouveau média a été créé au XXe siècle –  la radio, la télé, le Web –  il a été associé à des possibilités d’émancipation pour la base militante des partis politiques», souligne Isabelle Gusse, professeure au Département de science politique.

À l’invitation du Forum mondial sur les sciences sociales, qui avait lieu à la mi-octobre à Montréal, la chercheuse s’est penchée sur les pratiques de communication des militants du Parti québécois et du Parti libéral du Québec. «Ce fut une recherche exploratoire, précise-t-elle. Il n’y a rien de scientifique dans ma démarche, qui ouvre toutefois des pistes intéressantes à explorer.»

Les médias sociaux en campagne

On cite souvent en exemple la campagne électorale de 2008 de Barack Obama quand vient le temps de démontrer l’utilisation judicieuse des médias sociaux par les partis politiques. Relayés en un seul clic par des milliers de militants, les messages du Parti démocrate ont permis de récolter de nombreux appuis financiers, de créer une communauté d’électeurs et, ultimement, de remporter l’élection présidentielle. Bien sûr, l’utilisation des médias sociaux ne fut pas le seul facteur dans la victoire du sénateur de l’Illinois, mais les Démocrates et leurs militants ont démontré avec force les possibilités du média.

Au Québec, des candidats d’Option Nationale ont réussi à faire circuler des vidéos et des messages qui les ont fait connaître dans les médias sociaux lors de la campagne de 2012. Les résultats aux urnes, bien que modestes – à peine 1,89 % des voix –, furent positifs pour une formation politique naissante.

La récente percée de Mélanie Joly, candidate à la mairie de Montréal aux élections municipales du 3 novembre prochain, n’est pas non plus étrangère à sa présence dans les médias sociaux et aux nombreux militants qui s’activent frénétiquement sur Twitter et sur Facebook pour mousser sa candidature.

Les tâches des militants

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Isabelle Gusse. Photo: Émilie Tournevache

Qui sont les militants? Dans les deux principales formations politiques provinciales du Québec, «l’emploi des termes militants et militantisme sert essentiellement à présenter les fonctions et responsabilités du Comité national des jeunes du PQ et de la Commission jeunesse du PLQ», note la professeure Isabelle Gusse, qui a étudié le contenu de leurs sites Internet pour tenter de cerner l’image des militants. La figure du militant est associée à la jeunesse, ajoute-t-elle. «Les militants sont des jeunes de 18 à 25 ans qui se manifestent principalement en période électorale.»

En effectuant des entrevues à l’aide d’un questionnaire auprès de trois responsables jeunesse de Montréal et de Québec au PQ et au PLQ, la chercheuse pu cerner davantage la marge de manœuvre communicationnelle des militants. «Ceux-ci utilisent Twitter et Facebook de leur propre chef, mais les tâches qui leur sont confiées tendent à se calquer sur les orientations données par la direction des communications de leur parti. Le plus souvent, il s’agit de faire la promotion du chef. Bref, le militant n’est pas le créateur de contenu que l’on idéalise. Il est plutôt un exécutant, dans la plus pure tradition du taylorisme», ajoute-t-elle.

Bien sûr, le PQ et le PLQ sont deux partis politiques comportant des organisations structurées. Est-il possible que des partis naissants, sur la scène provinciale ou municipale, offrent davantage d’autonomie à leurs militants? «Cela mériterait une recherche plus exhaustive, croit la chercheuse. Mais je persiste et signe : on a une image idéalisée du militant qui s’implique en politique, alors qu’en réalité, le militant est instrumentalisé par le parti au sein duquel il s’implique.»

«Cela dit, conclut-elle, je ne doute pas que les jeunes militants soient d’excellents techniciens et qu’ils maîtrisent les médias sociaux, mais sont-ils pour autant autonomes dans la teneur des discours qu’ils véhiculent? Font-ils de la politique autrement? J’en doute.»