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Kennedy, un grand président ?

Cinquante ans après sa mort tragique, retour sur les années Kennedy.

Par Claude Gauvreau

22 novembre 2013 à 9 h 11

Mis à jour le 31 janvier 2018 à 16 h 01

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Kennedy à la Maison Blanche, en 1963. Photo: Cecil Stoughton.

Trois coups de feu. Trois coups de feu tirés à Dallas, le 22 novembre 1963, qui résonnent encore dans la mémoire collective. Ce jour-là, le 35e président des États-Unis, John F. Kennedy, mourait assassiné à l’âge de 46 ans. Sa mort tragique et les nombreuses théories du complot ont éclipsé ses réalisations. Qu’a-t-il accompli durant son bref mandat de deux ans, dix mois et dix jours ? Qu’a-t-il laissé en héritage ?

«Beaucoup d’experts ont cherché à évaluer les contributions à l’histoire politique des États-Unis des 44 présidents qui se sont succédé au fil des ans. Selon plusieurs historiens, Kennedy se classe parmi les 15 plus importants», observe Frédérick Gagnon, professeur au Département de science politique et directeur de l’Observatoire des États-Unis à la Chaire Raoul-Dandurand.

En novembre 1960, Kennedy est élu à la tête du pays avec un peu plus de 100 000 votes de majorité. «Il incarne la jeunesse, la nouveauté, un vent de changement, dit le professeur. C’est le premier politicien américain à avoir remporté l’élection présidentielle en partie grâce à la télévision. Son débat avec le candidat républicain Richard Nixon, qu’il remporte, est télédiffusé – c’est une première – et exerce une influence importante sur l’issue du vote.»

La Nouvelle Frontière

À son arrivée au pouvoir, Kennedy lance la «Nouvelle Frontière», une expression qui a marqué les esprits. «Ce n’était pas qu’un slogan, mais aussi un plan de lutte contre la pauvreté et les inégalités dans la société américaine, soutient Frédérick Gagnon. Il fallait donner à la classe moyenne la possibilité de vivre le rêve américain. Comme Kennedy n’a été au pouvoir qu’un peu plus de 1 000 jours, il n’a pas eu le temps de réaliser les réformes qu’il envisageait. Mais il a encouragé le Parti démocrate à poursuivre dans cette voie.»

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Le professeur Frédérick Gagnon. Photo: Nathalie St-Pierre.

La présidence de Kennedy est aussi marquée par l’essor du Mouvement des droits civiques qui, dès les années 50, fait pression pour abolir la ségrégation raciale à l’endroit des Noirs. Après l’arrêt de 1954 de la Cour suprême, qui déclare anti-constitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques, il faudra attendre 10 ans pour que le démocrate Lyndon Johnson, successeur de Kennedy, signe le Civil Rights Act, supprimant la discrimination basée sur la race, le sexe, la religion, la couleur ou la nationalité. «Kennedy compte parmi les précurseurs de la fin de la ségrégation raciale. Il a jeté les bases de la législation en faveur des droits civiques, affirme le politologue. L’un de ses héritages les plus importants est d’avoir incité le Parti démocrate à adopter des positions progressistes sur la question raciale, même si celles-ci déplaisaient aux démocrates conservateurs du Sud.»

Entre colombes et faucons

La présidence de Kennedy avait mal débuté avec le fiasco du débarquement à la baie des Cochons, à Cuba, en avril 1961. «Son attitude de fermeté pendant la crise des missiles, toujours à Cuba, en octobre 1962, lui permet toutefois de rehausser son image sur la scène internationale et aux États-Unis», note Frédérick Gagnon. Certains spécialistes ont prétendu que Kennedy, vers la fin de son mandat, souhaitait atténuer le climat de guerre froide et se rapprocher de l’Union soviétique, signant même, en août 1963, le traité de Moscou sur le désarmement nucléaire. «Des débats faisaient rage à ce moment-là entre les colombes et les faucons au sein du Parti démocrate, observe le chercheur. Kennedy voulait réduire les tensions, mais certains considéraient qu’il était trop mou. Après l’arrivée de Johnson à la Maison Blanche, le camp des faucons a pris le dessus.»

Sur la question du Vietnam, la position de Kennedy est parfois difficile à cerner, poursuit Frédérick Gagnon. «La volonté d’accroître l’engagement militaire du pays semble plus affirmée sous la présidence de Johnson, à partir de 1965-1966. Cela dit, le débat entre les chercheurs sur l’intention de Kennedy d’augmenter la présence américaine se poursuit.»

La nostalgie des années 60

Comment expliquer que la popularité de JFK ait perduré depuis 50 ans? Son assassinat et la légende dorée construite autour du clan Kennedy y sont pour beaucoup. Des observateurs ont aussi souligné la nostalgie des années 60, époque où les États-Unis étaient au faîte de leur puissance. «Le début des années 60 est une période de prospérité et d’espoir, rappelle le professeur. Mais les années qui suivent sont porteuses de désillusions, notamment avec l’intensification de la guerre au Vietnam, les émeutes raciales et les meurtres de Martin Luther King et de Bobby Kennedy. Aujourd’hui, les républicains sont nostalgiques de la présidence de Reagan dans les années 80, alors que les démocrates éprouvent le même sentiment à l’égard de Kennedy.»

De tous les présidents américains, Kennedy est-il celui qui a le mieux incarné le rêve américain? «On compte 1 000 définitions de ce rêve. L’une d’elles repose sur l’idée que chaque Américain peut espérer avoir une vie meilleure que celle de ses parents. Pour les gens moins fortunés et pour les immigrants, Kennedy, symbole de la réussite individuelle, personnifiait ce rêve.»

Frédérick Gagnon dresse un parallèle entre Kennedy et Barack Obama. «Voilà deux jeunes présidents qui nourrissent les espoirs de changement lorsqu’ils accèdent au pouvoir. Beaucoup de gens sont sévères à l’égard d’Obama. Il est quand même le premier président à avoir réalisé la réforme de l’assurance-santé et à s’être prononcé en faveur du mariage gai. Dans 15 ou 20 ans, on le percevra peut-être comme un président qui, à l’instar de John F. Kennedy, a fortement marqué la vie politique américaine et l’évolution du Parti démocrate.»