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Quel avenir pour les commissions scolaires?

Au Québec, les commissions scolaires conservent toute leur pertinence, affirme la professeure Lise Bessette.

Par Jean-François Ducharme

21 novembre 2014 à 15 h 11

Mis à jour le 4 septembre 2015 à 15 h 09

 

Les commissions scolaires se retrouvent bien malgré elles plongées au cœur de l’actualité. Quelques semaines après la tenue d’élections scolaires ayant suscité un taux de participation de moins de 5 %, le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, a soumis à la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) un plan de restructuration qui réduirait le nombre de commissions scolaires de 72 à 46. Même si les détails du plan seront connus après Noël, lorsque le ministre déposera son projet de loi visant à revoir le rôle et la gouvernance des commissions, des acteurs du monde de l’éducation ont déjà qualifié ce plan d’«illogique», d’«improvisé» et d’«inacceptable». «Le ministre n’a pas de réponses sur les économies que permettrait cette restructuration, ni sur la redéfinition des responsabilités et les garanties du maintien de la qualité des services aux élèves», a mentionné au Devoir la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard.

Ce n’est pas la première fois que les commissions scolaires se retrouvent dans le collimateur des politiciens. Entre le milieu des années 1960 et la fin des années 1990, une succession de fusions a fait passer leur nombre de près de 2000 à 72. Lors des dernières campagnes électorales, l’Action démocratique du Québec, puis la Coalition Avenir Québec ont même proposé leur abolition complète.

Lise Bessette.

Ce dernier scénario relève de la pensée magique, croit la directrice du Département d’éducation et pédagogie, Lise Bessette, spécialiste en gestion de l’éducation. «Le ministère de l’Éducation ne peut pas intervenir directement auprès des 2700 directions d’établissement, observe-t-elle. Si les commissions scolaires disparaissaient, il faudrait les remplacer par un autre organisme intermédiaire, ou gonfler les effectifs du ministère.»

Formant un palier intermédiaire entre les écoles et le ministère de l’Éducation, les commissions scolaires font partie intégrante du système scolaire québécois, poursuit la professeure. «Le ministère prend des décisions stratégiques, tandis que les commissions scolaires et les écoles sont responsables respectivement des décisions tactiques et des décisions d’ordre opérationnel.»

L’exemple du Nouveau-Brunswick

Lise Bessette rappelle que le Nouveau-Brunswick a aboli ses commissions scolaires en 1996. «Quelques années plus tard, le gouvernement est revenu sur sa décision sous la pression des parents. Si cette tentative a été un échec avec une population de 750 000 habitants, j’ai peine à imaginer les résultats pour une population 10 fois plus importante.»

À quoi servent les commissions scolaires?

Voici quelques-unes des principales fonctions des commissions scolaires telles que décrites par la Loi sur l’instruction publique:

– Organiser les services éducatifs.
– Établir un plan stratégique et une convention de gestion et de réussite éducative.
– Adapter les services éducatifs aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage.
– Engager et affecter le personnel dans les écoles, les centres de formation professionnelle et les centres d’éducation des adultes.
– Acquérir et entretenir les immeubles, biens et appareils informatiques.
– Préparer les états financiers et approuver le budget des écoles, des centres de formation professionnelle et des centres d’éducation des adultes.
– Organiser le transport des élèves.

Bureaucratie

L’un des principaux reproches adressés aux commissions scolaires concerne leur lourdeur bureaucratique. Une récente étude réalisée auprès des directeurs d’école démontre que ces derniers passent le tiers de leur temps de travail à remplir des rapports.

Cette surcharge administrative n’est pas attribuable aux commissions scolaires, souligne Lise Bessette, mais au principe de «nouvelle gouvernance» qui a pris forme à la suite de l’adoption de la Loi sur l’administration publique en 2000. Cette nouvelle gouvernance instaurait un cadre de gestion axé sur les résultats, l’imputabilité et la reddition de comptes. «Une pratique qui s’est intensifiée au cours des dernières années, note la professeure. Les commissions scolaires, comme les écoles, doivent remplir une quantité considérable de rapports. Il faut aujourd’hui questionner cette exigence.»

À ces tâches bureaucratiques auxquelles sont soumises les acteurs du monde éducatif s’ajoutent d’autres responsabilités qui n’existaient pas auparavant. «L’intégration dans les classes régulières des enfants ayant un trouble grave de comportement demande beaucoup de ressources. Par ailleurs, les directeurs d’école doivent maintenant rendre des comptes aux conseils d’établissement, créés par la Loi sur l’instruction publique en 1998.»

Coûts et compressions

Les coûts de gestion des commissions scolaires sont un autre argument avancé par les tenants d’une abolition des commissions scolaires. Or, selon les indicateurs de gestion publiés par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, les activités administratives des commissions scolaires représentent 5,6 % du budget annuel de 10,8 milliards de dollars, un taux parmi les plus bas de tout l’appareil public et parapublic. Le reste du budget est consacré aux activités d’enseignement et de formation (60,1 %), au soutien à l’enseignement et à la formation (26 %) et aux activités relatives aux biens meubles et immeubles (8,3 %).

À la suite des compressions budgétaires de plusieurs centaines de millions de dollars au cours des dernières années, les coûts de gestion ont baissé de 1,3 % en cinq ans. «Les tâches du personnel de soutien ont été augmentées, des postes n’ont pas été renouvelés, sans parler des coupes de personnel. Je ne crois pas qu’il reste de l’espace pour couper encore sans affecter les services aux élèves. Par exemple, les compressions de 20 millions de dollars depuis trois ans à la commission scolaire de Laval ont entraîné une baisse de services en orthopédagogie.»

Évolution des commissions scolaires

Depuis leur création dans les années 1840, les commissions scolaires ont considérablement évolué. D’abord centrées sur l’organisation paroissiale et sur la confessionnalité des écoles, on en comptait près de 2000 au milieu du 20e siècle. En 1971, la loi 27 a regroupé les quelque 1300 commissions scolaires pour en former 254 (224 catholiques et 30 protestantes).

En 1998, le gouvernement du Parti québécois a effectué une restructuration majeure du réseau en commissions scolaires linguistiques et non plus confessionnelles. Depuis, on compte 72 commissions scolaires linguistiques: 60 francophones, 9 anglophones et 3 à statut particulier, qui desservent les nations autochtones.