Voir plus
Voir moins

Polytechnique: 25 ans plus tard

Une table-ronde sur la violence faite aux femmes est organisée à l’UQAM pour commémorer la tragédie.

Par Pierre-Etienne Caza

1 décembre 2014 à 11 h 12

Mis à jour le 4 septembre 2015 à 15 h 09

Photo: Carlos Osorio

Le Réseau québécois en études féministes (RéQEF), en collaboration avec l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF), organise une table ronde dans le cadre du 25e anniversaire de la tragédie de Polytechnique, survenue le 6 décembre 1989. Intitulé «Féminicide, mémoire et reconnaissance», cet événement, qui aura lieu au pavillon DeSève, le 5 décembre à 17 h, réunira les auteures Mélissa Blais et Sandrine Ricci, doctorantes en sociologie, ainsi qu’Emmanuelle Walter et Widia Larivière. La professeure Leila Ceilis, du Département de sociologie, animera la discussion.

«Cette table-ronde se veut un espace de discussion afin de réfléchir sur la violence envers les femmes. Nous ferons le lien entre le féminicide des femmes autochtones au Canada, celui des femmes tutsi dans le cadre du génocide au Rwanda et la tuerie de Polytechnique», explique Sandrine Ricci, doctorante en sociologie, chargée de cours à l’UQAM et coordonnatrice du RéQEF.

Celle-ci déplore le refus persistant d’associer la tragédie de Polytechnique à un attentat, alors qu’on s’est empressé d’employer ce terme pour qualifier les événements dramatiques survenus récemment à la Chambre des communes à Ottawa. «Pourtant, l’ouvrage de Mélissa Blais, J’haïs les féministes! Le 6 décembre 1989 et ses suites, démontre clairement qu’il s’agissait d’un attentat politique. L’auteur de la tuerie a écrit une lettre où il décrivait sa haine des féministes.»

Auteure de l’ouvrage Avant de tuer les femmes, vous devez les violer! Rwanda: rapports de sexe et génocide des Tutsi, Sandrine Ricci affirme que l’État a une responsabilité envers cette violence structurelle qui touche les femmes parce qu’elles sont nées femmes. «Au Rwanda, 500 000 femmes n’ont pas été violées subitement, dit-elle. L’utilisation de la violence sexuelle pour atteindre des objectifs politiques était le fruit d’une idéologie génocidaire et patriarcale mise en place depuis de nombreuses années.»

Le cas du féminicide des femmes autochtones au Canada, qu’aborderont Emmanuelle Walter et Widia Larivière, auteure et préfacière de Sœurs volées. Enquête sur un féminicide au Canada, est semblable, affirme la chargée de cours. «Notre premier ministre traite cela comme un fait divers, niant ainsi qu’il s’agit d’un problème de société.»

La violence est un continuum

Vingt-cinq ans après Polytechnique, les choses ont-elles changé? «Ce n’est pas plus facile pour les femmes, ni individuellement ni collectivement, croit Sandrine Ricci. On le constate encore une fois ces temps-ci avec le mouvement de dénonciations des agressions sexuelles.»

La doctorante espère que la campagne actuelle de dénonciation aura un impact sur les hommes. «Le défi est de leur faire comprendre l’analyse systémique féministe sans qu’ils se braquent, dit-elle. Tout ce qu’on dit, c’est que les femmes subissent tout au long de leur vie un traitement différencié qui leur cause du tort.»

Dans le débat entourant les dénonciations, Sandrine Ricci déplore que chacun, homme ou femme, se forge une opinion à partir uniquement de ses propres expériences. «Le fait d’avoir vécu un cheminement normal à l’université ne constitue pas une norme pour penser ce que subissent d’autres femmes, note-t-elle. Il faut prendre le recul nécessaire et être capable d’affirmer qu’il y a des gestes inacceptables, peu importe l’intention.»

D’un point de vue féministe, la violence devrait être comprise comme un continuum, poursuit la chercheuse. «Nous souhaitons sensibiliser les gens à l’effet cumulatif de la violence structurelle, explique-t-elle. Cela va de la violence très ordinaire – des blagues en apparence inoffensives ou du harcèlement dans la rue – jusqu’aux viols et aux meurtres. Prise isolément, une blague sur une blonde paraît sans conséquence, mais ce n’est pas le cas. Elle contribue à une banalisation de la violence.»

Bourse Maud-Haviernick

Sous l’égide du professeur Maurice Cloutier, de l’École de design, une activité spéciale aura lieu le 10 décembre prochain afin de souligner le 25e anniversaire du Fonds capitalisé Maud-Haviernick, créé à la mémoire de l’une des victimes de la tragédie de Polytechnique, une diplômée du programme de baccalauréat en design de l’environnement. Tous les anciens récipiendaires de cette bourse, ainsi que des membres de la famille Haviernick, le corps professoral de l’École de design et des représentants de la Faculté des arts sont conviés à cet événement où l’on remettra deux bourses Maud-Haviernick.

Cette bourse au montant de 2 500 dollars est décernée tous les deux ans à une étudiante diplômée du programme de baccalauréat en design de l’environnement qui entreprend des activités de perfectionnement dans le cadre d’études supérieures ou d’une formation complémentaire de niveau universitaire en design ou dans un domaine connexe.