Voir plus
Voir moins

Vivre sur un chantier

Laurie Guimond s’intéresse aux relations entre les travailleurs au chantier hydroélectrique de la Romaine.

Par Pierre-Etienne Caza

22 octobre 2014 à 14 h 10

Mis à jour le 23 octobre 2014 à 8 h 10

Vue d’ensemble des travaux de la centrale Romaine-1. Chantier hydroélectrique de la Romaine (Minganie, Côte-Nord).Photo: Laurie Guimond

Lancé en 2009, le chantier hydroélectrique de la Romaine, en Minganie, doit s’échelonner jusqu’en 2020. Quatre centrales hydroélectriques seront alors en activité le long de la rivière qui s’écoule sur environ 500 kilomètres. Cet immense chantier emploie quelque 2000 travailleurs, dont des membres de la communauté innue puisqu’il s’agit de leur territoire ancestral. La professeure Laurie Guimond, du Département de géographie, s’intéresse à l’espace social dans lequel évoluent les travailleurs allochtones et autochtones sur ce chantier ainsi qu’aux relations qui s’établissent entre eux. Elle a organisé un cours-terrain de deuxième cycle – Relations interethniques – qui sert de tremplin à un projet de recherche.

Les étudiants Thierry Clément et Maripier Desraspe, la professeure Laurie Guimond et l’étudiante Alexia Desmeules.

En août dernier, Laurie Guimond s’est rendue en Minganie avec les étudiants Alexia Desmeules (maîtrise en géographie), Thierry Clément et Maripier Desraspe (DESS en planification territoriale et développement local). «Il s’agissait de les familiariser avec les étapes d’une recherche qualitative: collecte, traitement et analyse de données, puis diffusion des connaissances», souligne la professeure.

Sur le chantier ainsi qu’à Havre Saint-Pierre, Ekuanitshit, Baie-Johan-Beetz, Nutashkuan et Natashquan, les jeunes chercheurs ont mené une douzaine d’entrevues avec des travailleurs du chantier et des acteurs clés régionaux, Innus et non Innus, tout en visitant les communautés. «Les gens ont participé au-delà de nos attentes, précise Laurie Guimond. Nous avons pu les questionner sur les relations interethniques au chantier, comme ailleurs en Minganie, mais aussi sur les répercussions sociodémographiques, économiques et environnementales du chantier sur la région.»

Campement des Murailles. Chantier hydroélectrique de la Romaine (Minganie, Côte-Nord).  Photo: Laurie Guimond

Laurie Guimond et ses étudiants ont même eu le privilège de visiter le campement des travailleurs du chantier. «Hydro-Québec nous a donné accès au campement, qui possède les infrastructures d’une petite ville. Nous avons eu l’occasion d’y faire de l’observation participante et de partager les repas des travailleurs», précise la chercheuse. Bien que certains Innus possèdent leur permis de travail dans la construction, la plupart de ceux qui sont employés sur le chantier se trouvent au service de conciergerie et à la cafétéria. «Cet accès au campement nous a permis de mieux comprendre la vie quotidienne des travailleurs, quelle que soit leur origine», ajoute-t-elle.

Résultats préliminaires

Les trois étudiants de Laurie Guimond présenteront les résultats de leurs travaux lors d’une conférence qui aura lieu le 30 octobre prochain, à 10 h, au J-2625. Intitulée «Un territoire, deux nations: Le chantier hydroélectrique de la Romaine comme espace de rencontre des Innus et des non Innus (Minganie, Côte-Nord)», la conférence sera présentée par visioconférence aux gens de Minganie.

En général, les interlocuteurs étaient peu volubiles à propos des relations sociales au chantier, note la professeure. Quelques-uns ont fait état de certaines tensions, surtout liées à la méconnaissance des cultures, tandis que d’autres ont souligné de belles collaborations, notamment entre des entreprises innues et non innues. «Il est normal que des tensions surgissent lorsque se retrouvent à un même endroit autant de travailleurs astreints à un travail exigeant, à des horaires chargés et à des conditions climatiques difficiles», explique la chercheuse.

En revanche, les gens étaient très loquaces au sujet des impacts économiques et sociodémographiques du chantier sur la région. Le projet, qui a reçu l’aval des communautés autochtones et non autochtones concernées, prévoit le versement de compensations sur une période de 50 ans. «Les redevances sont émises chaque fois que les turbines sont mises en marche – la centrale Romaine-2 est en fonction et Romaine-1 le sera bientôt», précise Laurie Guimond. La façon de gérer ces surplus économiques varient : construction de parcs pour enfants, investissement dans les infrastructures, construction de CPE, réduction de taxes municipales, etc. «Nous avons observé des divergences de points de vue liées à la façon de dépenser ces argents», souligne la chercheuse, qui retournera en Minganie au printemps prochain afin de poursuivre sa recherche, financée par le Fonds de recherche sur la société et la culture (FRQSC).