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Le chef de l’UQAM

André Bergeron officie en cuisine pour le bénéfice de la communauté universitaire depuis près d’un quart de siècle.

Par Pierre-Etienne Caza

19 mars 2015 à 14 h 03

Mis à jour le 24 février 2016 à 12 h 02

Série Dans les coulisses de l’UQAM
Des employés de l’UQAM, ceux qui, dans les coulisses, assurent le bon fonctionnement de l’Université, parlent de leur rôle au sein de notre institution.

André BergeronPhoto: Nathalie St-Pierre

Nourrir au quotidien une petite ville comme l’UQAM n’est pas une mince affaire – sans jeux de mots! Il faut savoir naviguer avec dextérité entre la création de menus alléchants, la hausse des prix des aliments, la gestion des provisions et la supervision du personnel en cuisine. C’est ce que réussit avec brio André Bergeron, qui nourrit la communauté universitaire depuis presque 25 ans.

Chaque matin, le cuisinier arrive à l’université vers 5 h 40. Il met les viennoiseries au four et il prépare sa mise en place pour les repas de la journée. «J’adore mon travail, affirme André Bergeron. Mon plus grand plaisir est de transformer les produits de A à Z afin de servir les meilleurs plats possibles.»

L’équipe des Services alimentaires nourrit 3000 personnes par jour en moyenne. Petits déjeuners, café, menu du jour, mets pour emporter, pâtes, comptoir à soupes, sandwichs, bar à salades, “bouffe de rue”, pizza : le choix est varié.  Le cuisinier et son équipe fournissent des repas pour la cafétéria La Verrière (pavillon Hubert-Aquin), le Département Bar & Bouffe (pavillon Hubert-Aquin), l’espace gourmand Quartier orange (pavillon Athanase-David), le café P’tit Jasmin (pavillon Judith-Jasmin) et les distributrices de l’UQAM (sandwiches, crudités, etc.).

André Bergeron affectionne particulièrement la préparation de ses menus du jour – un plat différent chaque jour pendant quatre semaines. «Ce mois-ci, par exemple, la lasagne au four sauce bolognaise, le tournedos de poulet, la tourtière à la dinde, la moussaka de veau, les brochettes de souvlaki de poulet et l’émincé de porc sauce dijonnaise sortent beaucoup», souligne fièrement le chef.

Une adaptation constante

Les Services alimentaires de l’UQAM doivent s’autofinancer et la hausse du coût des denrées alimentaires affecte évidemment les menus concoctés par André Bergeron. Bien difficile pour lui de mettre au menu des fruits de mer, du bœuf bourguignon ou du filet de saumon. Il proposera plutôt des compromis à la portée de son budget, comme un bœuf aux légumes ou un pâté de saumon.

«Je suis obligé d’acheter de la soupe Campbell afin d’offrir six ou huit sortes différentes par jour, autrement je n’y arriverais pas, dit-il avec franchise. Mais nous ne trompons pas les clients: nous indiquons du chef lorsque la soupe est faite maison, comme c’est le cas pour la crème de tomates, la crème de légumes, la soupe à l’oignon et le potage Crécy, par exemple.»

Il y a quelques années, des étudiants ont demandé et obtenu que la cafétéria adhère au mouvement des lundis sans viande. «Je pense que nous avons su proposer un menu du jour alléchant», note André Bergeron. Ce mois-ci, par exemple, le chef propose un chili végétarien, une frittata aux légumes, un riz frit avec des egg rolls végétariens et des manicotti aux portobellos sauce rosée. «Cela dit, les lundis sans viande ne sont pas un réel succès, dit-il en riant. Quand je fais une lasagne traditionnelle, je prépare 12 immenses plats, tandis que la frittata aux légumes, j’en fais six…»

Une passion dévorante

Issu d’une famille de sept enfants, André Bergeron a eu la piqûre de la cuisine très jeune, en observant sa mère. «Elle n’a jamais eu de livres de recettes, se rappelle-t-il avec émotion. Quand nous lui demandions les proportions pour réaliser un plat, elle était évasive: un peu de ci, un peu de ça… Et c’était toujours délicieux!»

À l’instar de plusieurs cuisiniers, André Bergeron a débuté sa carrière au bas de l’échelle, comme plongeur, à l’âge de 16 ans. Il a ensuite gravi les échelons, avant de décider, à près de 28 ans, de retourner sur les bancs d’école, à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie. «J’avais le goût d’apprendre les bonnes bases, de parfaire mes techniques et d’obtenir un diplôme», raconte-t-il.

Il a ensuite roulé sa bosse comme cuisinier dans plusieurs restaurants de la Rive-Sud. «Je me suis frotté à plusieurs cuisines: belge, danoise, allemande et, bien sûr, la cuisine française, qui demeure ma spécialité, souligne-t-il. J’ai aussi accumulé de l’expérience dans la préparation de menus pour des banquets et des réceptions.»

Le milieu de la restauration, où l’on carbure à l’adrénaline, est difficile, éreintant physiquement et psychologiquement. La sécurité d’emploi y est inexistante et les fins de semaine et jours fériés sont tous mobilisés par le travail. Voilà pourquoi André Bergeron a accepté un poste à l’UQAM au début des années 1990. «J’ai débuté comme préposé au bar à salades, au casse-croûte et au service à la clientèle, se rappelle-t-il. Un jour, alors que j’étais aide-cuisinier, le cuisinier senior m’a demandé de faire 50 kilos de bœuf aux légumes. J’ai demandé où était la recette. Comme il n’y en avait pas, j’ai puisé dans mon expérience. Mon supérieur a été impressionné. Deux ans plus tard, on m’offrait le poste de chef de cuisine.»

Âgé de 70 ans, André Bergeron cumulait jusqu’à tout récemment son emploi à l’UQAM avec un job de cuisinier dans un restaurant français de la Rive-Sud. À peine terminée sa journée à l’université, il filait se préparer pour sa soirée! «J’ai dû arrêter parce qu’il m’arrivait parfois de voir d’étranges bibittes… à cause du manque de sommeil, dit-il en riant. Mais ce fut difficile comme décision parce que la cuisine, c’est toute ma vie!»

Ironiquement, il avoue qu’à la maison, c’est sa femme qui cuisine. «Je me laisse parfois convaincre de mettre mon tablier pour les anniversaires de ma fille ou de mes petits-enfants…», laisse-t-il tomber avec un sourire.

Après plus d’un demi-siècle passé à cuisinier pour les autres, contemple-t-il l’heure de la retraite? «J’y pense plus sérieusement depuis deux ans. Il me reste toutefois quelques recettes à consigner par écrit.» Une dizaine de cartables remplis de recettes garnissent en effet les tablettes de son bureau, au cœur des cuisines de l’UQAM. «Quand je suis arrivé en poste, il n’y avait aucune recette standardisée. Ce sera l’héritage que je lèguerai quand je passerai le relais», conclut-il fièrement.