Consommation culturelle éclatée, société multiethnique et utilisation de plus en plus poussée des technologies de la communication font désormais partie de la réalité des jeunes du Québec. Le milieu de l’enseignement semble toutefois peu perméable aux transformations des pratiques culturelles, en particulier en ce qui a trait à l’expérience et aux intérêts des jeunes. Sensible à cette problématique, l’équipe «EntreLACer littératie, art et culture des jeunes» réunit des chercheurs de plusieurs champs d’étude (éducation, arts visuels, littérature, danse, musique, langues, etc.) qui s’intéressent à la fois à ce que les jeunes de 5 à 25 ans consomment comme produits culturels et à ce qu’ils créent comme productions artistiques, tout en cherchant à mettre sur pied des formations novatrices en enseignement des arts visuels et médiatiques et des langues qui reflètent davantage la réalité et les intérêts des jeunes.
Intitulé Entrelacer littératie, art et culture des jeunes. Identifier les croisements, un premier colloque international, qui aura lieu à l’UQAM le 16 juin prochain, présentera les différents projets de recherche de l’équipe. Des conférenciers du Québec, de la France et des États-Unis sont attendus à l’événement qui s’adresse en particulier aux professionnels des milieux de l’enseignement des arts et de l’éducation ─ enseignants, formateurs, artistes et autres intervenants. Le colloque est organisé par les professeures et membres de l’équipe de recherche Moniques Richard et Christine Faucher, de l’École des arts visuels et médiatiques, et Nathalie Lacelle, du Département de didactique des langues.
Pratiques multimodales
Les jeunes d’aujourd’hui ont des pratiques multimodales qui font appel à plusieurs modes de représentation: l’écrit, l’image, le son et le mouvement. «Ils ne font pas de séparation entre les formes d’art, explique Moniques Richard. S’ils jouent à un jeu vidéo sur Internet dont l’action se déroule au Moyen Âge, ils pourront, par exemple, dessiner une carte au trésor pour compléter le jeu.» Contrairement à la croyance, les 5-25 ans ne sont pas tous férus de technologie. «On remarque un retour aux pratiques traditionnelles et artisanales, observe la professeure. Certains jeunes combinent les pratiques analogiques, comme la peinture, le dessin et le bricolage, avec les pratiques numériques. Le répertoire est désormais beaucoup plus varié.»
Auparavant, on croyait que les garçons, sur le Web, appréciaient davantage les jeux que les filles; lesquelles, de leur côté, semblaient plus intéressées par les activités sociales. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. «Il y a davantage de pratiques hybrides; d’où l’idée de mélanges, de croisements, d’interdisciplinarité, de littératie multimodale», poursuit la chercheuse.
Un contenu varié
Durant le colloque, de nombreux chercheurs et artistes présenteront leurs projets, entre autres leurs projets éducatifs. Martin Lalonde et Juan Carlos Castro, de l’Université Concordia, en collaboration avec David Sherman, de la California State University (conférence Hybridité contextuelle et médiation numérique mobile des espaces de construction identitaire des adolescents, 14 h 15), ont notamment conçu des projets destinés aux jeunes du secondaire et aux étudiants du premier cycle universitaire impliquant les technologies mobiles. «L’objectif est de stimuler les apprentissages et de motiver les jeunes», explique Moniques Richard.
Le professeur Alexandre Castonguay, de l’École des arts visuels et médiatiques, prononcera une conférence sur sa propre production artistique (Entretiens avec des artistes sur les croisements dans leurs pratiques actuelles et celles de leur jeunesse, avec les doctorantes en études et pratiques des arts Prune Lieutier et Marie-Pier Théberge, 13 h 15). «Un volet de nos recherches porte sur le sujet afin de mieux comprendre ce que les artistes eux-mêmes consommaient et produisaient durant leur jeunesse, relève Moniques Richard. Les artistes peuvent puiser dans cette expérience personnelle pour mieux rejoindre les jeunes. Par ailleurs, de par ses intérêts pour les arts numériques et l’interactivité, Alexandre Castonguay peut également intéresser certains jeunes d’aujourd’hui.»
Le sociologue Rosaire Garon, de l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui a mené plusieurs recherches dans le domaine, présentera une conférence intitulée Le concept de pratiques culturelles appliqué aux créations informelles des jeunes québécois, à 9 h 30. Claude Majeau, étudiante au doctorat en études et pratiques des arts et artiste sociale, ainsi que l’artiste français Ivan Polliart s’entretiendront des développements d’un projet d’art communautaire avec des jeunes provenant de milieux défavorisés (Créative jonction: exploration du travail de création en collaboration avec des communautés, 13 h 15).
Moniques Richard et Nathalie Lacelle présenteront certains aspects d’une importante recherche en cours (Genre et pratiques transmodales de création/réception chez les jeunes, 11 h 15). Intitulée «Hybridité, multimodalité et pratiques de création multimodales informelles des jeunes» (2013-2016), l’enquête menée auprès des élèves du secondaire vise à mieux connaître leur culture dans le but de proposer des pratiques éducatives en arts plastiques et en français dont l’objectif est de mobiliser les jeunes comme acteurs de leurs apprentissages.