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Politologue dans l’âme

Lauréate 2015 du prix Reconnaissance de la Faculté de science politique et de droit, la chroniqueuse Josée Legault contribue à éclairer le débat public.

Par Claude Gauvreau

20 avril 2015 à 9 h 04

Mis à jour le 7 juin 2022 à 12 h 14

La chroniqueuse Josée Legault. Photo: Nathalie St-Pierre.

Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion du Gala Reconnaissance 2015 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le troisième d’une série de sept articles présentant les lauréats.

Depuis 20 ans, elle commente les événements marquants de l’actualité sociale et politique sur de multiples tribunes – radio, télévision, presse écrite –, tant francophones qu’anglophones. Réputée pour la rigueur de ses analyses, Josée Legault (B.A. histoire, 1984; M.A. science politique, 1991) a collaboré, entre autres, aux quotidiens Le Devoir et The Gazette, à l’hebdomadaire Voir et au magazine L’Actualité. Depuis 2013, elle tient une chronique dans le Journal de Montréal et le Journal de Québec. Elle est aussi très active dans les médias sociaux grâce à son blogue. L’équipe de la Boussole électorale l’a d’ailleurs nommée parmi les 10 personnalités les plus influentes de la twittosphère lors de la campagne électorale québécoise de 2012.

Josée Legault n’envisageait pas une carrière médiatique à l’époque où elle étudiait à l’UQAM. «J’ai d’abord hésité entre le droit et l’histoire, dit-elle. Quand on provient, comme moi, d’un milieu ouvrier, on est attiré par le caractère prestigieux rattaché à la profession d’avocat. En même temps, l’histoire et la politique, deux disciplines connexes, me fascinaient. J’ai finalement écouté mon cœur et je me suis inscrite au baccalauréat en histoire, avant de poursuivre une maîtrise en science politique.»

Durant ses études, la future chroniqueuse s’intéresse à l’Union soviétique et à l’Europe de l’Est, en particulier au cas de l’Ukraine. «La question nationale et les rapports entre minorité et majorité m’ont toujours passionnée. Je voyais un parallèle intéressant entre l’Ukraine et le Québec, deux communautés nationales qui, sur leur territoire, abritent une minorité – russophone et anglophone  – issue de la nation dominante.» Dans le cadre de sa maîtrise, Josée Legault étudie la dynamique des relations entre la minorité anglophone et la majorité francophone du Québec. Son mémoire sera publié chez Boréal, en 1992, sous le titre L’invention d’une minorité. Les Anglo-Québécois. L’ouvrage provoque une onde de choc. «Rares étaient les intellectuels à cette époque qui s’intéressaient à cette question. Et cela n’a pas beaucoup changé depuis», remarque-t-elle en riant.

À la fin de ses études, de 1990 à 1993, la chroniqueuse donne des charges de cours à l’UQAM, en histoire et en science politique. «J’adorais enseigner et j’envisageais une carrière universitaire». Mais les aléas de la vie et la maladie, le cancer notamment, l’ont amenée à faire d’autres choix. «Le journal The Gazette, en 1994, et Le Devoir, en 1995, m’ont ouvert leurs pages. Encore une fois, j’ai écouté mon cœur et j’ai décidé de devenir chroniqueuse politique.»

Analyser la nouvelle 

Depuis quelques années, les médias, au Québec comme ailleurs, accordent une place de plus en plus importante à la chronique, une tendance lourde, selon Josée Legault. «L’arrivée des médias sociaux a tout changé. J’ai été l’une des premières journalistes à tenir un blogue, dans le journal Voir. Cela m’a permis d’écrire des billets assez substantiels et de développer une interaction avec les lecteurs, semblable à celle que j’avais vécue avec les étudiants quand j’étais chargée de cours à l’UQAM.»

Celle qui se perçoit avant tout comme une analyste politique considère que le rôle du chroniqueur consiste à analyser et à mettre en perspective la nouvelle. L’importance accordée à ces deux responsabilités provient, assure-t-elle, de sa double formation de politologue et d’historienne. «Pour faire comprendre aux lecteurs le sens et la portée des événements et des phénomènes politiques, il est essentiel de rappeler que ceux-ci s’inscrivent dans un continuum, souligne Josée Legault. Les politiques d’austérité et l’obsession du déficit zéro, par exemple, ne sont pas apparues soudainement avec l’arrivée au pouvoir du Parti libéral de Philippe Couillard. Elles remontent à l’époque où Lucien Bouchard était premier ministre, il y a presque 20 ans, et relèvent d’une vision politique, celle d’un État appelé à jouer un rôle de moins en moins important dans l’économie et dans la répartition des richesses.»

Prendre position

Dans certains dossiers chauds, la chroniqueuse n’hésite pas à prendre position, même si cela lui vaut parfois quelques inimitiés. Elle a ainsi appuyé le mouvement étudiant au printemps 2012 et critiqué le projet de charte des valeurs du Parti québécois. «La chronique doit servir à éclairer la réflexion sur des enjeux de société, dit-elle. Il arrive que des gens m’accostent dans la rue et me disent: “J’ai lu votre chronique et ça m’a aidé à voir les choses sous un autre angle”. Quand j’entends ce type de commentaire, je me dis que j’ai fait mon boulot.»

Josée Legault estime que le débat public au Québec se porte mal. «Depuis le référendum de 1995, on assiste à la montée d’un anti-intellectualisme et d’un populisme décomplexés, qui favorise une polarisation primaire des débats. En démocratie, il est normal qu’il y ait des divisions au sein de la société. Mais nous avons tendance, au Québec, à personnaliser le débat d’idées, à le transformer en un combat de boxe où il n’y a plus de place pour la nuance et la hauteur de vue.»

Souverainiste et sociale-démocrate

L’analyste politique est une souverainiste affichée, mais une souverainiste éprise de justice sociale. «Je pense toujours que la souveraineté est la meilleure solution pour le Québec, mais je demeure critique à l’égard de son principal véhicule politique. Je suis aussi une sociale-démocrate. Ayant grandi dans le quartier populaire de Saint-Michel, à Montréal, j’ai pris conscience très tôt des inégalités sociales. C’est pourquoi j’ai toujours défendu le principe de l’égalité des chances et celui d’une redistribution équitable des richesses.»

Josée Legault reconnaît avoir été courtisée par des formations politiques. Elle a d’ailleurs été conseillère au bureau du premier ministre en 2001 et 2002. «Aujourd’hui, je n’ai plus d’attache partisane, affirme-t-elle. J’ai reçu plusieurs propositions et j’ai toujours dit non. J’ai compris que mon rôle consistait à analyser la politique, pas d’en faire.»

En 2011, la chroniqueuse a remporté le prix Harfang du Mouvement Montréal français pour son dévouement à l’égard de la promotion et de la défense de la langue française. «Dans le métier que j’exerce, les honneurs et les distinctions sont plutôt rares, observe-t-elle. Aussi, quand j’ai appris que l’on m’accordait le prix Reconnaissance, je ne le croyais pas, puis j’ai été extrêmement touchée. J’ai adoré mes études à l’UQAM et je porte encore fièrement le titre de politologue, que je préfère à tous les autres.»