Voir plus
Voir moins

Un lieu à soi

Des Uqamiennes présentent un projet artistique dans un immeuble désaffecté d’Hochelaga-Maisonneuve.

Par Valérie Martin

7 novembre 2016 à 17 h 11

Mis à jour le 9 novembre 2016 à 10 h 11

Le projet artistique permet aux artistes participantes «de décloisonner leurs pratiques artistiques, de prendre le pouls du quartier Hochelaga-Maisonneuve et de travailler avec des jeunes de la rue tout en les incluant dans le processus créatif.»
 

L’immeuble du 3915, Sainte-Catherine Est se trouve dans un quartier malfamé de la ville où se côtoie, au quotidien, travailleuses du sexe, toxicomanes, vendeurs de drogue et résidents. Du 8 au 12 novembre prochains, le bâtiment sera l’hôte d’une exposition multidisciplinaire in situ présentée par six artistes femmes. Peinture, installation, vidéo et performance seront au programme. Le projet expérimental a vu le jour grâce à L’Avenue, un organisme communautaire d’hébergement du quartier Hochelaga-Maisonneuve venant en aide aux jeunes adultes en difficulté ou sans-abri.

«L’Avenue, qui est propriétaire de plusieurs immeubles dans le quartier, nous a offert d’investir les lieux désaffectés», explique Claude Majeau (M.A. arts visuels et médiatiques, 2016), co-commissaire de l’exposition avec la professeure Christine Major (M.A. arts plastiques, 1996), de l’École des arts visuels et médiatiques.

L’immeuble, en attente de rénovation, sera reconverti sous peu en logements sociaux et communautaires. «L’intérêt d’un tel immeuble est d’être en transition, tout comme le quartier. C’est une mutation intéressante à explorer», ajoute l’artiste et doctorante en études et pratiques des arts.

Intitulé L’Affaire du 3915 Sainte-Catherine Est, le projet permet aux artistes participantes «de décloisonner leurs pratiques artistiques, de sortir de leurs ateliers respectifs, de prendre le pouls du quartier Hochelaga-Maisonneuve, de travailler avec des jeunes de la rue tout en les incluant dans le processus créatif», complète la professeure et co-commissaire Christine Major, qui travaille sur le projet depuis quatre mois avec sa collègue.

Extrait de la série de tableaux Danse macabre de Christine Major. Photo: Guy L’Heureux

Les artistes féministes explorent la question du lieu à soi, d’après les textes Trois guinées et Une chambre à soi de Virginia Woolf. «Dans ma pratique, j’ai toujours eu pour moteur d’avoir un espace de travail, relève Christine Major. Pour les jeunes toutefois, l’idée d’un espace à soi a d’autres échos: ils ont moins un rapport physique à l’espace. Le monde virtuel est devenu pour eux ce lieu à soi.» Le projet a aussi permis aux artistes d’aborder la notion d’outsider. «Il y a des connivences entre la posture de l’artiste et celle des jeunes de la rue», précise la professeure.

L’immeuble du 3915 Sainte-Catherine Est.Photo: Guy L’Heureux

L’exposition se déploiera sur trois étages. Au rez-de-chaussée, où trônait jadis un salon de coiffure, deux installations comportant des éléments in situ occuperont l’espace. Valérie Perron (B.A. arts visuels et médiatiques, 2007), candidate à la maîtrise en arts visuels et médiatiques, présentera une performance «devant une vitrine».

Faisant office de petites salles d’exposition, les logements vides du deuxième étage abriteront diverses œuvres d’art. Au troisième, des étudiants au baccalauréat en arts visuels présenteront leurs interventions in situ. «Des objets laissés sur place comme des bains sur pattes, de vieux éviers et des bols de toilette feront partie des installations. Ces objets rappellent à la fois la vocation et l’histoire de l’immeuble, son lieu géographique ainsi que la présence des jeunes de la rue, dit la professeure Christine Major. Il ne s’agit pas de transformer les lieux en galerie d’art, mais de s’imprégner de ce qui est sur place.» 

La professeure, qui a fait partie l’été dernier de l’exposition collective ELLES aujourd’hui — six artistes peintres québécoises et canadiennes du Musée des Beaux-Arts de Montréal, présentera avec Danse macabre une série de tableaux en pièces détachées rappelant les films d’horreur, l’art macabre du Moyen-Âge et la littérature gore. «J’ai développé une série avec des jeunes costumés autour de leurs mises en scène», dit l’artiste. Artiste sociale, reconnue pour ses projets en arts participatifs, Claude Majeau a réalisé un tableau mixte collage-peinture avec des extraits de magazines féminins et de circulaires jonchant le sol de l’immeuble vacant. «Les jeunes m’ont aidée à traiter le papier et à faire le collage», précise-t-elle.

Une toile peinte translucide associée à des miroirs, de l’artiste Camile de Courier de Mèré, risque de soulever des questions sur notre tolérance envers les femmes marginalisées. Marie-Pierre Théberge (M.A. arts visuels et médiatiques, 2013), qui a déjà exposé ArtisMe® Store, une succursale de produits culturels dérivés lors d’une exposition solo en 2012 à la Galerie de l’UQAM, réalisera une performance de style art de rue. À partir de la représentation d’une hyène, elle compte produire une œuvre en intervenant sur un miroir. Les visiteurs pourront également voir le court métrage Les ombres qui me traversent, réalisé en Roumanie avec des jeunes par la documentariste et cinéaste française Émilie Carpentier.

Le vernissage aura lieu le jeudi 10 novembre, à 17 h. L’exposition est présentée du 8 au 12 novembre, de midi à 17 h.