À l’automne 2015, le professeur François Audet, du Département de management et technologie, décide, avec son frère Marc-André, de parrainer une famille syrienne. Directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire, celui qui a longtemps œuvré comme travailleur dans les camps de réfugiés avait le désir profond de venir en aide à la population syrienne. «Pour moi, cela fait partie de mes responsabilités en tant qu’ancien humanitaire, c’est une manière de m’impliquer, de boucler la boucle professionnelle et de faire le pont entre mon ancien travail et mon poste actuel», affirme le professeur.
Les frères Audet se sont ainsi engagés dans un processus de parrainage privé sous l’égide du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion du Québec (MIDI). Quelques mois plus tard, en février 2016, «leur» famille – composée de Johnny Chabo, de sa femme Rehab et de leurs trois enfants – débarquait au Québec, en pleine tempête de neige. Originaire de Qamishli, une ville à majorité kurde du nord-est de la Syrie, la famille chrétienne a d’abord trouvé refuge dans un hôtel au Liban. Là-bas, les membres de la famille ont été inscrits puis sélectionnés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
«Au départ, raconte François Audet, le concept de parrainage est plutôt abstrait: on signe des papiers, on remplit la paperasse, on choisit “sa” famille à distance, en fonction d’intérêts communs, on communique avec elle par les réseaux sociaux… Quand la famille arrive à Montréal, c’est une autre affaire! On passe à une relation d’entraide; c’est plus personnel. Et quoi qu’on en pense, ce n’est pas une relation asymétrique, ni de dépendance.»
Les Audet ont aidé les Chabo à dénicher un logement, à trouver un dentiste (syrien!), à ouvrir un compte bancaire, alouette! «C’est incroyable le temps qu’on peut prendre pour brancher un ordinateur sur une connexion Internet!, illustre François Audet en riant. On est là pour accompagner, soutenir, trouver des solutions aux problèmes du quotidien et aider à mieux comprendre les codes et les normes de la société d’accueil. Cela demande du temps.»
Malgré l’hiver, les difficultés quotidiennes et la tristesse de voir la situation de son pays d’origine se dégrader, la famille Chabo s’est bien intégrée. Le père, un ancien entrepreneur propriétaire d’un garage, a rapidement trouvé un emploi de commis chez Adonis, «une chaîne de supermarchés qui embauche des réfugiés syriens pour faire sa part», tout en suivant des cours de français. Montréal est une ville bien outillée pour venir en aide aux réfugiés, témoigne François Audet. «Il y a beaucoup de ressources. On accueille des réfugiés et des nouveaux arrivants depuis longtemps, et ça paraît.»
En décembre dernier, les Audet et les Chabo (la famille du frère de Johnny ainsi que ses parents sont arrivés au Québec, parrainés par d’autres familles québécoises) ont célébré Noël ensemble pour la première fois. «On a mangé de la tourtière et des baklavas en discutant en français!», lance François Audet. Les célébrations ont fait l’objet d’un reportage sur les ondes de la Radio de Radio-Canada.
La réalisatrice et chargée de cours à l’École supérieure de théâtre Eza Paventi (B.A. communication, 1997; M.A. art dramatique, 2002), qui est aussi la conjointe du frère de François, Marc-André Audet, a réalisé un documentaire sur la première année d’intégration des Chabo au Québec. Intitulé D’une mer à l’autre, le documentaire sera diffusé sur les ondes de Télé-Québec le 27 février prochain, à 21 h (en rediffusion les 3 et 5 mars). François Audet est le conseiller scientifique du projet.
Suspension temporaire
Depuis le 27 janvier 2017, la ministre de l’immigration, de la Diversité et de l’Inclusion Kathleen Weil a suspendu temporairement la réception de nouvelles demandes de parrainage collectif afin de procéder au traitement des demandes en attente (un peu plus de 10 000!). «Le programme est en quelque sorte victime de son succès, commente François Audet. C’est dommage, certes, mais c’est un geste responsable de la part du gouvernement.»
Pour François Audet, ce décret n’est pas une raison pour ne plus rien faire. «Les réfugiés ont besoin de se sentir chez eux ici, au Québec. Il faut être ouverts, souriants, accueillants, et trouver des manières de les aider au moyen de réseaux d’entraide, par exemple. L’aide n’est pas aussi spontanée que je ne l’aurais cru, regrette-t-il. Il y a beaucoup d’incompréhension et de peur par rapport aux réfugiés et aux étrangers. Mais construire des murs n’empêchera pas les gens de venir. Aujourd’hui ce sont les Syriens, demain, les réfugiés de guerre viendront d’ailleurs…»