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Érable à sucre et réchauffement

Kevin Solarik s’intéresse aux effets du réchauffement climatique sur l’aire de distribution de l’érable à sucre.

Série

Doc en poche

Par Marie-Claude Bourdon

18 septembre 2018 à 10 h 09

Mis à jour le 9 septembre 2020 à 9 h 09

Série Doc en poche
Armés de leur doctorat, les diplômés de l’UQAM sont des vecteurs de changement dans leur domaine respectif.

Photo: Nathalie St-Pierre

Kevin Solarik (Ph.D. biologie, 2017)

Titre de sa thèse: «Limited migration: will sugar maple tap out to climate change?»

Directeur: Christian Messier, professeur au Département de sciences biologiques et titulaire de la Chaire CRSNG/Hydro-Québec sur le contrôle de la croissance de l’arbre

Codirecteurs: Dominique Gravel, professeur à l’Université de Sherbrooke, et Yves Bergeron, professeur au Département des sciences biologiques et titulaire de la Chaire industrielle CRSNG/UQAT/UQAM en aménagement forestier durable

 

Enjeu social: les effets des changements climatiques sur l’industrie acéricole

En général, on s’attend à ce que le réchauffement climatique, dans le Nord, favorise la croissance des érables à sucre et la production de sirop, observe Kevin Solarik. Mais quels seront les effets du réchauffement sur les taux de germination et sur la régénération naturelle de cette espèce caractéristique de la forêt tempérée? Les érables à sucre vont-ils migrer vers le nord? C’est ce que le chercheur  a voulu déterminer dans le cadre de sa thèse de doctorat.

Dans un premier temps, le biologiste a récolté des semences d’érable sur différents sites distribués sur l’ensemble de l’aire de répartition de l’érable à sucre, de son extrême sud au Tennessee et au Kentucky jusqu’à sa limite nordique près de Rivière-du-Loup. Il les a ensuite soumises à diverses températures (et variations brutales de température) en laboratoire (de – 1° à +13° Celsius) pour déterminer leur taux de germination respectif. «Les semences de l’érable à sucre sont très sensibles à la température, note le biologiste. Les graines de toutes les provenances germent mieux à une température inférieure à 5° Celsius (idéalement autour de 0°-1° Celsius), mais les espèces du sud sont plus tolérantes à un réchauffement. Dans le nord, un climat plus chaud  pourrait se traduire par une réduction du taux de germination.»

Le chercheur a ensuite étudié l’effet du site sur la fréquence d’établissement de ses semences. Il les a plantées dans 12 sites: 4 en zone tempérée, 4 en zone boréale et 4 dans l’écotone (la zone de transition entre les deux), donc à l’intérieur, à la limite et à l’extérieur de l’aire de distribution de l’espèce. Dans ce cas, ce sont les semences provenant du nord qui ont été les plus susceptibles de germer et de s’établir dans les sites les plus au nord (où cette essence ne pousse pas actuellement). Le chercheur a toutefois observé un effet de priorité qui pourrait nuire à la migration de l’érable à sucre. «Les espèces résidentes de la forêt boréale sont déjà bien établies, et, à moins d’une perturbation qui favorise le recrutement de l’érable à sucre (feu, insectes, vent…), elles vont ralentir l’expansion de son aire de distribution.»

Le réchauffement du climat entraînera fort probablement une migration de l’érable à sucre. Mais les conditions d’expansion et d’établissement de cette espèce sont complexes, note le chercheur. «L’expansion de l’érable à sucre risque d’être beaucoup plus lente que ce que les gens pensent», dit-il.

Ce qu’il faut changer

Kevin Solarik est convaincu que les nombreuses informations recueillies dans le cadre de sa thèse pourront être utilisées pour améliorer notre capacité de prédire les effets des changements climatiques sur les écosystèmes forestiers. Chercheur postdoctoral à l’Université de l’Alberta, le biologiste a d’ailleurs été recruté par le National Council for Air and Stream Improvement (NCASI), où il occupe, depuis mai dernier, un poste de directeur de la recherche forestière pour le Canada, le Nord-Est et le Centre-Nord des États-Unis. Le but de cet organisme à but non lucratif est de conduire des recherches afin de mieux soutenir les pratiques de développement durable dans la gestion de la forêt.

Selon lui, les chercheurs universitaires devraient faire plus d’études sur le terrain. «Cela coûte moins cher d’utiliser des données qui existent déjà, mais on apprend beaucoup mieux quand on se rend sur le terrain», dit celui qui a parcouru trois fois plus de 15 000 kilomètres pour les fins de sa recherche. Le chercheur souhaite aussi que les scientifiques aient davantage de tribunes pour communiquer leurs résultats. «Le grand public doit avoir un meilleur accès à la connaissance scientifique», dit-il.