Voir plus
Voir moins

La vie après le sport

Maude Guilmette veut faciliter la transition de carrière des athlètes de haut niveau.

Par Jean-François Ducharme

21 novembre 2018 à 16 h 11

Mis à jour le 22 novembre 2018 à 10 h 11

Maude Guilmette.Photo: Nathalie St-Pierre

La carrière des athlètes d’excellence fait souvent rêver. Mais gagner sa vie en pratiquant le sport qu’on adore comporte souvent un revers: la difficile adaptation à la vie après la compétition. Moins de deux ans après leur retraite, plus de 75 % des athlètes de la National Football League (NFL) et 60 % des athlètes de la National Basketball Association (NBA) éprouvent de graves problèmes personnels. «Plusieurs vivent un divorce, une faillite ou sont incapables de se trouver un nouvel emploi, mentionne l’étudiante au doctorat en psychologie Maude Guilmette. D’autres ont des problèmes de jeu, d’alcool ou de drogue, vivent de l’anxiété ou de la dépression.»

La doctorante, dont la thèse porte sur la transition de carrière des athlètes de haut niveau, a choisi un sujet qui la touche personnellement. «J’ai moi-même été athlète d’élite en sport équestre, confie-t-elle. Quand j’ai arrêté la compétition, j’ai vécu un deuil.»

Selon la chercheuse, qui travaille sous la direction de la professeure Nathalie Houlfort, la transition est encore plus difficile lorsque les athlètes sont forcés de prendre leur retraite, que ce soit à cause d’une blessure ou parce qu’ils sont exclus de leur équipe ou d’une compétition. «Plusieurs athlètes ont commencé à faire du sport compétitif à un très jeune âge et ne connaissent rien d’autre, souligne l’étudiante. Ils aiment tellement leur sport qu’ils sont incapables de lâcher prise.»

La Maison des champions

De mai 2017 à mai 2018, Maude Guilmette a été invitée à suivre une cohorte de 11 athlètes olympiques récemment retraités à travers le programme La Maison des champions. Ce groupe de soutien, créé par l’ancien canoéiste olympique Maxime Boilard, vise à aider les athlètes à réaliser leur potentiel au-delà de leur carrière sportive.

Chaque mois, les participants se réunissaient durant trois heures pour partager leur expérience et pour assister à des conférences et des ateliers sur divers sujets: l’identité personnelle, la transposition des qualités d’un athlète dans le monde du travail, etc. «Au départ, les athlètes se demandaient en quoi ces rencontres pouvaient leur être utiles, dit la doctorante. Maxime leur répétait de faire confiance au processus, une phrase qui est rapidement devenue un running gag au sein du groupe.»  

Au fil des rencontres, Maude Guilmette a constaté plusieurs améliorations. «Les niveaux d’acceptation et de satisfaction générale ont beaucoup augmenté, alors que les symptômes d’irritabilité et de dépression ont diminué», dit-elle. Une petite rechute a été observée en février, durant les Jeux olympiques d’hiver. «Regarder leurs anciens camarades en action a certainement touché une corde sensible.»

La doctorante a également noté que le niveau de passion harmonieuse – un type de passion qui s’harmonise avec d’autres centres d’intérêt et qui est habituellement associé à la motivation intrinsèque – avait augmenté. À l’inverse, la passion obsessive – similaire au workaholisme et généralement associée à la motivation extrinsèque – avait diminué.

Avoir un plan B

Le principal facteur pour une transition de carrière harmonieuse est d’avoir un plan B. «Et pas seulement sur le plan professionnel, mais aussi personnel, dit Maude Guilmette. L’athlète qui se connaît et qui sait ce qu’il aime à l’extérieur du sport a une longueur d’avance.» Avoir un plan B n’est toutefois pas un concept valorisé par tous. «Certains ont peur d’être moins performants s’ils pensent à autre chose ou s’ils ont la tête ailleurs. Ce n’est pas facile de trouver l’équilibre entre l’intensité du moment présent et la capacité de se projeter dans l’avenir.»

Le support de l’entourage est aussi un facteur important, tout comme le sentiment d’être prêt à passer à autre chose.

Désir de se faire aider

Les 11 athlètes de la cohorte avaient tous deux points en commun. Le premier est que ce sont des athlètes olympiques et non professionnels. À l’inverse des athlètes amateurs, qui mènent souvent des études collégiales ou universitaires parallèlement à la pratique de leur sport, bien des sportifs professionnels – les joueurs de hockey, par exemple – quittent l’école dès qu’ils sont repêchés, vers 18 ou 19 ans. Le cas du hockeyeur Steve Bégin, qui a récemment obtenu son diplôme d’études secondaires à l’âge de 36 ans, après une carrière échelonnée sur 14 saisons, illustre bien cette situation.

Tous les athlètes de la cohorte avaient également en commun le désir d’être aidés dans leur transition de carrière. «On ne peut donc pas inférer que les résultats auraient été identiques pour des athlètes présentant d’autres caractéristiques», souligne Maude Guilmette.

Quoi qu’il en soit, la Maison des champions prend de l’expansion. Une deuxième cohorte a d’ailleurs débuté cet automne. «Le programme devrait aussi être ouvert à l’extérieur du Québec prochainement.»

Pour Maude Guilmette, tous les athlètes de haut niveau auraient avantage à faire partie d’un groupe de soutien quand ils délaissent la compétition, pas seulement ceux ayant participé aux Jeux olympiques ou atteint la Ligue nationale. «Les athlètes universitaires et ceux qui ont suivi un programme sport-études au secondaire ou au cégep doivent eux aussi faire le deuil de leur sport.»   

Participants recherchés

Dans le cadre de sa thèse, Maude Guilmette mène un projet qui consiste à examiner la passion pour le sport dans un contexte de transition de carrière sportive. «Nous espérons mieux comprendre le processus de transition de carrière chez les athlètes de haut niveau et identifier des variables qui pourraient faciliter ce processus.»

Les personnes qui ont pratiqué des sports de compétition et qui souhaitent participer à l’étude peuvent remplir le questionnaire en ligne.