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Psychothérapie à distance

Stéphanie Grignon Watts propose la vidéoconférence pour améliorer l’accessibilité des soins en santé mentale.

Série

Doc en poche

Par Pierre-Etienne Caza

6 décembre 2018 à 9 h 12

Mis à jour le 9 septembre 2020 à 9 h 09

Série Doc en poche
Armés de leur doctorat, les diplômés de l’UQAM sont des vecteurs de changement dans leur domaine respectif.

Photo: Éric Panchaud

Stéphanie Grignon Watts
(Ph.D. psychologie, 2017)

Titre de sa thèse: «Psychothérapie pour le trouble d’anxiété généralisée administrée par vidéoconférence: impact sur l’alliance thérapeutique»

Directeur: André Marchand, professeur associé au Département de psychologie

Enjeu social: l’accessibilité des soins en santé mentale

Le trouble d’anxiété généralisée (TAG) est une condition chronique qui génère son lot de souffrances pour ceux qui en sont atteints. «La rémission sans traitement est rare et le traitement dont l’efficacité a été la mieux démontrée empiriquement est la psychothérapie cognitive-comportementale», observe Stéphanie Grignon Watts, psychologue en pratique privée à Mascouche. L’accès à un spécialiste de cette thérapie spécifique est toutefois difficile, surtout si on habite hors des grands centres urbains.

Dans le cadre de sa thèse, Stéphanie Grignon Watts s’est intéressée à une modalité qui pourrait faciliter l’accès à ce traitement: la vidéoconférence. «J’ai évalué l’impact de la thérapie à distance dans le traitement du TAG, plus spécifiquement la qualité de la relation entre le thérapeute et le client, ce que l’on nomme l’alliance thérapeutique», précise la diplômée. La moitié de son échantillon de 115 participants souffrant de TAG a participé à une psychothérapie cognitive-comportementale à distance et l’autre moitié en présence du thérapeute. «La thérapie à distance avait lieu via un système installé dans un hôpital, un centre universitaire ou un CLSC», précise la chercheuse.

Surprise: ses résultats indiquent que l’alliance thérapeutique est meilleure lors de la thérapie par vidéoconférence! «Il est possible que la distance imposée par la vidéoconférence fasse en sorte que le patient se sente moins envahi par la présence du thérapeute, avance la chercheuse. Le patient se retrouverait davantage avec lui-même, face à ses propres sentiments, ce qui lui permettrait de s’abandonner davantage à une relation thérapeutique bénéfique.» Ces résultats vont de pair avec d’autres études, réalisées depuis le début des années 2000, validant l’efficacité de la thérapie par vidéoconférence.

Ce qu’il faut changer

Au cours des dernières années, l’Ordre des psychologues a balisé la pratique de la psychothérapie à distance. «Tout est en place pour que cette modalité soit davantage utilisée, observe Stéphanie Grignon Watts. Cela permettrait non seulement aux gens hors des centres urbains d’avoir accès au bon type de thérapie, mais aussi, par exemple, à un client qui déménage de poursuivre le traitement avec son thérapeute.»

Selon la psychologue, il importe de faire connaître les résultats de recherche comme les siens. «Les médecins de famille, souvent les premiers à poser un diagnostic, doivent connaître l’existence de ce mode thérapeutique afin de pouvoir le suggérer tout en rassurant leurs patients sur son efficacité.»

Les psychologues ont aussi besoin d’être formés adéquatement. «Les universités ont un rôle à jouer afin d’intégrer la vidéoconférence dans la formation des futurs psychologues», note la chercheuse. Durant son étude, celle-ci a vu des thérapeutes modifier leurs pratiques pour compenser la distance. Comment faire, en effet, pour démontrer son empathie envers un client qui pleure? «Certains thérapeutes ont développé des stratégies. Je me rappelle de l’un d’entre eux qui disait à son client: “Si j’étais à côté de vous, je vous offrirais la boîte de mouchoirs.” Ce sont de petites adaptations, mais elles peuvent faire toute la différence!»

Stéphanie Grignon Watts a obtenu la Médaille académique du Gouverneur général 2018 pour son parcours doctoral.