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De Frankenstein à Einstein: le scientifique dans la littérature

Par Marie-Claude Bourdon

27 novembre 2006 à 0 h 11

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Dans les colloques où l’on fait le lien entre science et culture, il est, comme il dit, le «littéraire de service». Jean-François Chassay, professeur au Département d’études littéraires et auteur de plusieurs livres, dont La Science des écrivains et Le scientifique, entre histoire et fiction, s’intéresse depuis des années à la représentation de la science dans la littérature. Il présentera le 29 novembre prochain, dans le cadre des activités grand public du Coeur des sciences, une conférence intitulée «De Frankenstein à Einstein, le scientifique est-il une machine à fiction pour les écrivains?»

«Je m’intéresse autant à la manière dont la littérature représente les scientifiques fictifs et leurs inventions, plus ou moins fictives, qu’à la manière dont des romanciers ou des dramaturges vont représenter des scientifiques qui ont véritablement existé», dit le professeur. Utiliser la figure de Robert Oppenheimer, cela peut être une façon de lancer un débat sur la bombe atomique. «Oppenheimer, c’est le père de la bombe, le directeur scientifique de Los Alamos, et, en même temps, un opposant à la bombe. En soi, cette contradiction est source de littérature.»

À côté des Galilée, Darwin ou Einstein qui ont transformé notre vision du monde, la littérature met aussi en scène une panoplie de scientifiques inventés. Jean-François Chassay s’intéresse entre autres aux textes dans lesquels on créé un être artificiel, un robot ou un autre double de l’être humain. «La représentation du double varie énormément en fonction de chaque époque, observe-t-il. Dans les années 50, par exemple, c’est l’ordinateur qu’on voit comme le double de l’humain.»

Aujourd’hui, les recherches menées dans le domaine de la biogénétique ont plutôt fait surgir l’idée du clone, une sorte de double biologique qui nous interroge sur la frontière de ce qui est humain, dit Jean-François Chassay. «Ainsi, on se demande jusqu’où on peut aller avec les altérations génétiques pour améliorer un bébé. Si on peut lui éviter des maladies héréditaires, tant mieux, mais s’il s’agit de changer son sexe ou la couleur de ses yeux, c’est un autre problème. Où est la limite?»

Contrairement à la vulgarisation scientifique, qui se contente d’expliquer la science, la littérature dit quelque chose sur la science que celle-ci ne pourrait pas dire elle-même, note le professeur. «De ce point de vue, l’intérêt de la fiction, c’est aussi de réintégrer la science dans la culture, de montrer que la science fait partie de la culture.» L’imaginaire scientifique, rappelle- t-il, déborde largement le cadre des laboratoires. «Quand on a marché sur la Lune, c’était extraordinaire sur le plan symbolique. Et si on fait un parallèle avec le mythe d’Icare, on voit que ce n’est pas parce que la science a permis la création d’Apollo que cela fait disparaître la dimension mythique de l’événement.»