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Pas de communication sans émotions

Par Claude Gauvreau

10 novembre 2008 à 0 h 11

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

Exprimer sa colère est-il parfois justifié? La peur peut-elle avoir des conséquences positives? Ces questions n’intéressent pas que la pop-psychologie. De nombreux scientifiques, surtout dans les pays anglo-saxons, effectuent des recherches sur l’univers des émotions. Ursula Hess, professeure au Département de psychologie, en fait partie.

Directrice du Laboratoire de psychophysiologie sociale, établi à l’UQAM depuis 1993, Ursula Hess s’intéresse particulièrement aux facteurs sociaux qui influencent la communication des émotions, notamment à l’impact du statut social et du sexe des individus sur l’interprétation des émotions, et au rôle des émotions dans le monde du travail.

Les émotions s’affichent sur les visages, se manifestent dans la voix, et nous informent sur la personnalité des individus qui les expriment, rappelle la professeure. «La plupart du temps, nous décodons les émotions de manière intuitive. Si on comprenait mieux comment et pourquoi les gens expriment telle émotion, meilleures seraient nos relations sociales et interpersonnelles.»

La colère, bonne ou mauvaise?

Auparavant, les travailleurs devaient laisser leurs émotions au vestiaire, comme si seul un esprit froid et détaché pouvait agir de façon rationnelle. Depuis une dizaine d’années, on reconnaît leur importance dans les relations de travail. «L’expression d’émotions fait partie des deux tiers des communications au travail, souligne Mme Hess. Dans les domaines de la santé, des services sociaux, de l’enseignement et des services à la clientèle, les émotions jouent même un rôle essentiel. On attend du vendeur qu’il soit enthousiasmé par les produits qu’il vend, que la réceptionniste soit heureuse de recevoir un client et que l’infirmier témoigne de la compassion pour ses patients.»

Les émotions des dirigeants d’une organisation ou d’une entreprise ont aussi une incidence importante sur les employés, poursuit la chercheuse. «Les leaders se servent notamment de leur enthousiasme et de leur dynamisme pour communiquer leurs idées et motiver le personnel. Leur succès repose également sur l’impression d’authenticité qui se dégage des émotions.»

Certes, il vaut mieux contenir des émotions perturbatrices, telles la jalousie et l’agressivité. D’autres, en revanche, ont des effets bénéfiques. «La colère, par exemple, peut être négative ou positive, observe Mme Hess. Si ses conséquences sont souvent néfastes, la colère est positive quand elle incite les gens à dénoncer une injustice, à trouver une solution ou à surmonter des difficultés. Elle est aussi un symbole de puissance : les individus qui l’expriment sont parfois perçus comme étant plus forts que ceux qui affichent une attitude neutre.»

Des interprétations différentes

La manière dont on interprète les émotions varie beaucoup d’une société à l’autre, souligne la psychologue. «En Amérique du Nord, nous avons tendance à valoriser les gens qui expriment leur joie, leur enthousiasme, leur passion, plutôt que des émotions dites négatives – peur, tristesse, colère, agressivité.» Les extravertis sont aussi mieux perçus que les personnes peu démonstratives, dont les comportements sont souvent associés à de l’indifférence.

De la même manière, les attentes en ce qui concerne l’expression des émotions des hommes et des femmes ne sont pas les mêmes. «La douceur, l’empathie, voire la tristesse, sont davantage attribuées aux femmes, tandis que l’agressivité et la colère sont mieux acceptées socialement quand elles sont manifestées par des hommes», relève la professeure.

Dans le cadre de son prochain projet de recherche, Ursula Hess s’attaquera à la morphologie des visages. «Avec le temps, dit-elle, les traits physiologiques des hommes et des femmes se durcissent ou s’adoucissent, transformant du coup l’expression des émotions.»