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Muséologie, une science en construction

Par Claude Gauvreau

29 novembre 2010 à 0 h 11

Mis à jour le 17 avril 2015 à 15 h 04

La muséologie est une jeune discipline, dont le statut dans le monde universitaire fait l’objet de débats. S’agit-il d’une nouvelle science? Quelle contribution apporte-t-elle à la connaissance des fonctions dévolues aux musées (recherche, conservation, exposition, éducation), lesquelles sont en constante évolution?

«Quiconque s’intéresse à la conception et à la production des expositions, ou encore à leur réception par différents publics, est confronté aux questions de la définition et du rôle de la muséologie», observe la professeure Anik Meunier, du Département d’éducation et pédagogie, qui dirige le Groupe de recherche sur l’éducation et les musées.

Aucune définition, toutefois, ne fait consensus parmi les chercheurs. Certains considèrent la muséologie comme une science autonome, tandis que d’autres la perçoivent comme une application de différents savoirs qui utilisent les musées comme terrain d’étude.

Un flou conceptuel

Selon Anik Meunier, les sciences humaines et sociales (histoire, sociologie, anthropologie), les sciences de l’éducation et la didactique contribuent à la construction de la muséologie comme champ d’étude interdisciplinaire distinct. «Il ne s’agit pas tant de produire un savoir sur le musée que d’approfondir la connaissance du processus muséal, dit-elle. La muséologie doit aborder le musée à la fois comme un phénomène social, une institution culturelle, un dispositif de communication et un lieu d’éducation non formelle.»

L’éducation, par exemple, s’est affirmée au fil des ans comme une fonction centrale des musées et est devenue un objet d’étude qui intéresse tant les chercheurs en muséologie que ceux en sciences de l’éducation.

«Les connaissances produites sur et autour du musée servent le développement de la muséologie en tant que science, souligne la professeure. Le flou conceptuel la concernant sera dissipé grâce aux efforts conjoints des chercheurs universitaires et des praticiens du milieu, des acteurs clés qui ont vécu trop souvent dans des univers parallèles.» Ces acteurs étaient d’ailleurs réunis lors du colloque L’avenir de la muséologie, organisé par Anik Meunier dans le cadre du dernier congrès de l’Association francophone pour le savoir (Acfas).

Nouvelles muséologies

Qu’ils se consacrent aux arts, aux sciences ou aux phénomènes socioculturels, les musées accordent une importance grandissante à leurs publics. «Depuis l’apparition en Europe du courant des nouvelles muséologies, au tournant des années 70, les musées sont beaucoup plus préoccupés par la façon dont les visiteurs s’approprient les contenus des expositions», rappelle la chercheuse. D’où les efforts déployés en matière de vulgarisation et le développement de stratégies de communication. «Les concepteurs des expos prennent en compte les différents modes d’apprentissage des individus – cognitif, affectif, sensori-moteur – et diversifient les approches. Dans un musée de sciences, le visiteur sera incité à manipuler des objets, alors qu’un musée d’art fera davantage appel à ses aptitudes affectives.»

En concurrence avec d’autres entreprises et événements culturels – le visiteur de musées est aussi un amateur de concerts ou de spectacles de danse -, les musées sont financés par des fonds publics et doivent rendre compte de leur taux de fréquentation. «Ils doivent attirer des visiteurs, susciter leur curiosité, créer une sorte d’émerveillement et provoquer des émotions, note Anik Meunier. Dans l’exposition sur Miles Davis, présentée récemment par le Musée des beaux-arts de Montréal, on a créé des espaces particuliers pour permettre au public de vivre une expérience sensorielle en écoutant des pièces du jazzman.»

L’intérêt pour le public se manifeste également à travers la mission d’éducation des musées. Depuis le premier service éducatif créé par le Musée des beaux-arts de Montréal en 1961, divers programmes et outils pédagogiques, comme les audio-guides, ont été élaborés notamment ceux destinés aux visites scolaires.

La pratique muséale au Québec a souvent été perçue comme avant-gardiste en raison de ses formules de présentation originales et novatrices. «Aujourd’hui, certains prétendent que le Québec a un peu perdu sa longueur d’avance, observe la muséologue. Dans un univers de plus en plus concurrentiel et marqué par les innovations techniques, le moment est peut-être venu de renouveler les approches.»