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Derrière le succès d’Unité 9

Par Pierre-Etienne Caza

15 octobre 2012 à 0 h 10

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

Avec en moyenne 1,3 million de téléspectateurs, Unité 9 est l’une des belles surprises de l’automne au petit écran. La série, dont l’action se déroule dans une prison pour femmes, est l’œuvre d’un trio formé de l’auteure Danielle Trottier et des dialoguistes Louise Danis et Geneviève Baril. Cette dernière termine son baccalauréat en études littéraires à l’UQAM et entreprend une maîtrise en communication. «J’avais peur que les gens de ma génération n’aiment pas la série, mais, heureusement, ils adorent!», s’exclame la jeune femme de 28 ans, qui prend plaisir à lire les commentaires et à interagir en direct sur Twitter lors de la diffusion des épisodes, le mardi soir entre 20h et 21h.

Geneviève Baril écrivait des monologues théâtraux quand la télésérie américaine Six Feet Under a bouleversé son plan de carrière. «On nous présentait enfin un show de télé trippant, loin des clichés de téléromans. Je me suis dit: c’est comme ça que je veux gagner ma vie.» Elle s’est donc inscrite à l’Institut national de l’image et du son (INIS), où elle a suivi des cours d’écriture télévisuelle, notamment auprès de Pierre-Yves Bernard (Minuit le soir). «C’est là que j’ai rencontré Louise Danis, qui étudiait avec moi. Quant à Danielle Trottier… c’est ma mère! Nous avons toujours eu le projet d’écrire quelque chose ensemble», explique-t-elle.

Une écriture collective

Le travail d’écriture s’effectue conjointement depuis le début de l’aventure. «Nous avons construit la courbe dramatique et les personnages ensemble, note Geneviève Baril. Pour l’instant, c’est Danielle qui scénarise les épisodes, car elle possède plus d’expérience, mais nous participons toutes à l’écriture des dialogues.»

Les téléspectateurs auront sans doute relevé la qualité de ces dialogues. «Nous avons effectué des recherches sur le milieu carcéral pendant deux ans, note l’étudiante. Nous avons rencontré beaucoup d’ex-détenues et de gens de l’administration de la prison fédérale de Joliette. Nous les avons écoutés attentivement pour nous former l’oreille.»

Le résultat est criant de vérité. «Il y a des répliques dont je doutais à l’écrit, mais une fois dites à voix haute, elles prennent tout leur sens! Les réalisateurs, Jean-Philippe Duval et Louis Bolduc, et les comédiennes ont fait un travail remarquable : le résultat est bien au-delà de mes attentes.»

La cohérence du récit

La première saison d’Unité 9, qui se poursuivra à l’hiver 2013, compte 25 épisodes. Le projet pourrait s’étendre sur cinq à huit ans. «Nous savons déjà comment ça va se terminer, confie l’étudiante. En fait, les séries qui débutent sans que les auteurs n’en connaissent déjà la finale aboutissent généralement à de très mauvaises fins.»

Le fait de travailler en équipe restreinte contribue grandement à la cohérence du récit, selon elle. La série américaine Lost et plusieurs autres du genre ont dérouté bien des téléspectateurs avec des intrigues touffues qui partaient dans toutes les directions. «C’est ce qui arrive quand on confie des épisodes à des scénaristes différents qui n’ont pas de vue d’ensemble de la série», déplore la dialoguiste. Pour Unité 9, ses collègues et elle ont réécrit certaines répliques jusque sur le plateau de tournage. «Les réalisateurs déplacent souvent des répliques d’un épisode à un autre, alors nous devons réécrire constamment pour garder le cap, note-t-elle. C’est la grande différence avec le cinéma, où le réalisateur est roi et maître. En télé, les auteurs ont leur mot à dire, car ils sont toujours en avance d’une saison.»

Blogue et études

Geneviève Baril est également blogueuse, «par nécessité», précise-t-elle. Son blogue, La petite Guenièvre urbaine, lui sert de déversoir pour s’éclater pendant l’écriture d’Unité 9. «C’est une plateforme où je peux écrire absolument tout ce que je veux, dit-elle. La plupart des auteurs télé que je connais ont besoin de ce genre d’espace personnel pour laisser libre cours à leur imagination, sans les contraintes du médium.» On y retrouve des petites histoires souvent illustrées avec des photos, des vidéos ou des sons tirés du web. Bref, le genre d’expérience qui l’a menée naturellement vers la maîtrise en communication et la concentration recherche-création en média expérimental, où les étudiants sont invités à innover, soit par l’image en mouvement, le son ou l’interactivité. «Je veux travailler les trois!», conclut Geneviève Baril, qui ne risque pas de s’ennuyer au cours des prochaines années.