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Des services de garde pour tous?

Une récente étude de l’Institut de la statistique du Québec lève le voile sur l’utilisation des services de garde en lien avec l’indice de défavorisation.

Par Pierre-Etienne Caza

6 février 2012 à 0 h 02

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

Les familles de milieux défavorisés ont-elles plus de difficulté à avoir accès à un service de garde pour leurs enfants que les familles de milieux aisés? «Oui», répond Nathalie Bigras. La professeure du Département de didactique est la première auteure de l’étude intitulée Utilisation et préférences des familles quant à la garde régulière de leurs jeunes enfants selon l’indice de défavorisation, publiée en novembre dernier par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

L’objectif de l’étude était de décrire les relations entre l’utilisation et les préférences des familles en matière de services de garde et l’indice de défavorisation matérielle et sociale (IDMS – voir encadré). «C’était une étude attendue, souligne Nathalie Bigras, car plusieurs intervenants dans le domaine ont l’impression depuis plusieurs années que les familles les plus vulnérables sur les plans matériel et social ont moins accès aux services de garde. C’est le cas, mais l’écart, d’environ 10 %, est beaucoup moins important que ce que l’on croyait.»

Cette étude, confiée à l’ISQ par le ministère de la Famille et des Aînés, s’appuie sur les données recueillies en 2009 dans le cadre de l’Enquête sur l’utilisation, les besoins et les préférences des familles en matière de services de garde (EUSG). «C’est la première fois que nous croisons ces données avec l’IDMS», note Nathalie Bigras.

Les résultats

L’échantillon, composé de 11 161 familles comprenant 14 745 enfants âgés de moins de cinq ans, est représentatif d’une réalité québécoise qui a changé depuis une quinzaine d’années, note la chercheuse. «Autrefois, lorsque les enfants étaient âgés de moins de deux ans, les parents préféraient la garde au domicile ou le service de garde en milieu familial. Ce n’est plus le cas. La tendance se dessine autrement : si on ne considère pas l’IDMS, on observe que les parents se tournent de plus en plus vers les CPE ou la garderie, même pour les jeunes enfants.» Cela tiendrait à plusieurs facteurs, dont une meilleure connaissance de la part des parents de la qualité des services de garde en CPE et en garderie. «Cela demeure une hypothèse qui reste à vérifier», souligne toutefois la chercheuse.

En appliquant les indices de l’IDMS, un autre élément a surpris la professeure : les familles vivant dans un milieu très favorable préfèrent le domicile (pour les enfants de un an et de moins de un an) et le milieu familial à 7 $ (deux ans et moins), tandis que la préférence des familles vivant dans les conditions les plus défavorables va à la garderie ou au CPE à 7 $, et ce, pour les enfants de trois ans et moins. «Il s’agit là d’une tendance inversée comparativement à ce que l’on observait il y a une quinzaine d’années, note-t-elle. Auparavant, les parents issus de milieux favorisés privilégiaient les CPE et ceux issus de milieux défavorisés préféraient la garde à domicile ou en milieu familial.»

Retombées

Nathalie Bigras souhaite effectuer des analyses secondaires afin d’expliquer en détails les résultats obtenus et tenter de comprendre les raisons derrière ces préférences parentales. Quant à la présente étude, elle ne peut qu’espérer obtenir des échos favorables. «Une étude comme celle-ci doit en principe aider le ministère à mieux répartir l’offre de services de garde à travers le Québec. Va-t-il en tenir compte? Il s’agit de décisions politiques», conclut la chercheuse, déjà impliquée dans une autre enquête ministérielle qui devrait débuter l’an prochain et qui portera sur la qualité des services de garde.

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L’indice de défavorisation

L’indice de défavorisation matérielle et sociale (IDMS) catégorise les familles selon l’environnement dans lequel elles vivent, c’est-à-dire les conditions socioéconomiques (scolarité, ratio emploi/population et revenu moyen) et sociodémographiques (proportion de personnes vivant seules, séparées, divorcées ou veuves, familles monoparentales) des quartiers dans lesquels elles habitent. «On parle ainsi de familles vivant dans un milieu plus ou moins défavorable par rapport aux autres milieux de vie du Québec, et non de familles défavorisées», précise Nathalie Bigras.

À partir de ces données, cinq catégories ont été créées : conditions favorables (1), moyennes (2), défavorables socialement mais pas matériellement (3), défavorables matériellement mais pas socialement (4) et défavorables matériellement et socialement (5). «Pour assigner un indice de défavorisation à chaque famille, on utilise le code postal du lieu de résidence», explique la chercheuse.