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Souvenirs de corps

Le rapport au corps et à sa mémoire est au centre de l’exposition Loin des yeux près du corps présentée à la Galerie de l’UQAM.

Par Claude Gauvreau

23 janvier 2012 à 0 h 01

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

L’artiste d’origine égyptienne Ghada Amer propose une broderie, dont les fils, perçus de loin, font référence aux dégoulinades d’un tableau abstrait. Mais plus on se rapproche de l’œuvre, mieux on se rend compte qu’elle dissimule des images de pratiques sexuelles puisées dans des revues pornographiques. Un diptyque réalisé au dessin de Louise Bourgeois montre, d’un côté, une figure seule, asexuée, et, de l’autre, un couple formé par un homme et une femme. Les trois figures, rouge sang, évoquent une violence ambigüe infligée au corps.

Depuis le 13 janvier jusqu’au 18 février prochain, la Galerie de l’UQAM présente Loin des yeux près du corps, une exposition collective dont le commissariat est assuré par la professeure Thérèse St-Gelais, du Département d’histoire de l’art. L’exposition présente une vingtaine d’œuvres – peintures, dessins, photos, broderies, installation vidéo – qui rendent perceptibles des expériences sensitives, liées au corps, au-delà de la distance imposée par le regard. Elles ont été réalisées par dix femmes artistes, de nationalités et de générations différentes : Ghada Amer, Caroline Boileau, Louise Bourgeois, Marie-Claude Bouthillier, Geneviève Cadieux, Caroline Gagné, Betty Goodwin, Anne-Marie Ouellet, Kiki Smith et Angèle Verret.

Thérèse St-Gelais n’a pas cherché à réunir des artistes dont la démarche était liée explicitement à une représentation féminine du corps. Cela dit, on sent une parenté entre les œuvres d’artistes plus jeunes comme Caroline Boileau, Anne-Marie Ouellet ou Caroline Gagné et celles de Betty Goodwin et de Louise Bourgeois, deux figures-phares de l’art contemporain, aujourd’hui décédées. «Bien qu’elles utilisent des approches et des matériaux différents, ces artistes partagent une même sensibilité au corps, souligne la commissaire. Leurs œuvres activent des souvenirs de corps, parfois empreints de sentiments troubles ou atypiques, parfois marqués par de l’indifférence, des affects, de la douleur, voire de la violence.»

Thérèse St-Gelais sera aussi commissaire d’une expo solo de Ghada Amer, présentée au Musée d’art contemporain de Montréal, du 2 février au 22 avril prochains.

Entre théorie et création

Un ouvrage intitulé Loin des yeux près du corps. Entre théorie et création, publié par la Galerie de l’UQAM et les Éditions du remue-ménage, sous la direction de Thérèse St-Gelais, accompagne l’exposition. La première partie de l’ouvrage se concentre sur les œuvres de l’exposition, tandis que la seconde regroupe les essais des participantes du colloque Entre théorie et création, tenu à l’automne 2010. Ces auteures, artistes et théoriciennes provenant de divers horizons (arts visuels, théâtre, cinéma, danse, histoire de l’art), se penchent sur les liens permettant d’établir une jonction entre la théorie et la création.

La Galerie présente également, depuis le 13 janvier jusqu’au 18 février, Nadia Seboussi. Le dernier été de la raison, une exposition consacrée à la représentation de la violence sociale et politique. Finissante à la maîtrise en arts visuels et médiatiques, Nadia Seboussi tente de restituer la réalité sociopolitique de la guerre civile qui a déchiré son pays d’origine, l’Algérie, dans les années 1990. Le dernier été de la raison est une œuvre vidéographique qui réunit les témoignages de photographes ayant contribué à la couverture médiatique de cette décennie noire en Algérie.