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Chine : un géant aux pieds d’argile?

Un colloque international analysera les défis intérieurs de la Chine et sa place dans le monde.

Par Claude Gauvreau

18 février 2013 à 0 h 02

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

Une nouvelle génération de dirigeants a accédé au pouvoir en Chine, pour les dix prochaines années, à la suite du XVIIIe congrès du Parti communiste chinois tenu en novembre dernier. Les espoirs de changement au sein de la deuxième puissance mondiale reposent notamment sur Xi Jinping, secrétaire général du Parti, présenté par certains observateurs comme un réformateur. Selon Éric Mottet, professeur au Département de géographie et directeur de l’Observatoire de géopolitique de la Chaire Raoul-Dandurand, peu de choses distinguent la nouvelle équipe dirigeante de la précédente. «Ses membres font partie des cercles du pouvoir depuis 25 ans et la plupart d’entre eux sont des enfants d’anciens dirigeants du Parti qui détenaient des postes importants dans les différentes sphères de l’État.»


Éric Mottet est co-responsable du colloque international La Chine et le monde après le XVIIIe congrès du PCC, qui se tiendra à Montréal les 21 et 22 février. Une trentaine d’experts venus de divers pays débattront des problèmes intérieurs de la Chine et des enjeux politico-stratégiques de son accession au statut de grande puissance. «C’est la première fois qu’un aussi grand événement scientifique consacré à la Chine se déroule à Montréal», note Éric Mottet, qui se réjouit de la présence au colloque du ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur du Québec, Jean-François Lisée.


Parmi les questions qui seront abordées figure celle du clivage entre réformateurs et conservateurs au sein du Parti communiste. «Un équilibre règne entre ces deux factions, qui sont également représentées dans les instances dirigeantes du Parti, observe le professeur. Les réformateurs sont davantage ouverts sur l’Occident et ont un style de direction moins rigide. Cependant, il ne faut pas s’attendre à une révolution au Parti communiste. Xi Jinping s’est donné pour mission de le rendre encore plus puissant qu’il ne l’est actuellement.»


La grogne est partout  


Les nouveaux dirigeants auront des dossiers urgents à gérer, comme la croissance des inégalités, la détérioration de l’environnement et les tensions au Tibet. «Le premier défi consistera à s’attaquer à la fracture sociale qui traverse la société chinoise, souligne Éric Mottet. Dans ce pays de plus d’un milliard d’habitants, 800 millions de personnes vivent dans une grande pauvreté. Le coefficient de Gini, qui mesure le degré d’inégalités, a beaucoup augmenté depuis 30 ans, creusant l’écart entre riches et pauvres. À cela s’ajoutent les nombreux problèmes environnementaux. La totalité des cours d’eau sont aujourd’hui pollués et, chaque année, des dizaines de milliers de nouvelles voitures circulent dans les rues de Pékin.»


L’Occident a tendance à voir la Chine comme un bloc monolithique et les Chinois comme des gens très dociles et disciplinés. Pourtant, la course à l’enrichissement personnel a favorisé le développement de l’individualisme, notamment chez les jeunes Chinois, et la grogne est partout, affirme le chercheur. «On compte plus de 10 000 manifestations par année dans les villes et les campagnes. Les gens réclament des augmentations de salaires ou dénoncent la corruption. En décembre 2011, les 13 000 habitants de Wukan, une bourgade du sud de la Chine, se sont révoltés contre les cadres communistes locaux et ont tenu un scrutin ouvert au cours duquel ils ont choisi librement les membres de leur comité de village. Ce soulèvement a été suivi avec beaucoup d’intérêt sur les quelque 300 000 microblogues citoyens en Chine.»


Pour un monde multipolaire


Selon plusieurs experts, la Chine pourrait damer le pion aux États-Unis et devenir la première puissance économique mondiale d’ici cinq ou six ans. «Les dirigeants chinois prônent la multipolarité, plutôt qu’un monde unipolaire ou bi-polaire, note Éric Mottet. Même si la Chine se fait parfois discrète sur la scène politique mondiale, ils tiennent à ce que leur pays participe aux débats sur les grands enjeux géostratégiques, concernant l’Arctique et le Moyen-Orient, entre autres.»


Dans 10 ou 20 ans, le monde pourrait bien être dominé par trois pôles : les États-Unis, l’Europe et… la Chine.  Reste à voir comment celle-ci parviendra à surmonter ses problèmes intérieurs colossaux. «Un chauffeur de taxi à Pékin ou à Shanghai a deux sujets de conversation : la corruption au sein du Parti communiste et son rêve de vivre comme un Américain», remarque Éric Mottet.