Voir plus
Voir moins

Le couple: mission impossible?

Dans son plus récent essai, la psychologue Marie Hazan analyse le couple dans toutes ses dimensions.

Par Valérie Martin

25 novembre 2014 à 16 h 11

Mis à jour le 27 novembre 2014 à 14 h 11

 

Qu’est-ce qui unit et sépare les couples? Pourquoi rêve-t-on encore à l’amour impossible? Quels sont les effets sur le couple des changements survenus dans les relations entre les hommes et les femmes? À quels défis sont confrontés les couples modernes? C’est pour tenter de répondre à ces questions que la professeure Marie Hazan, du Département de psychologie, a rédigé Le couple: réussir l’impossible. Entre idéal et réalité (éditions Québec-Livres). Dans cet essai, la psychologue et psychanalyste passe en revue plusieurs théories, tant sociologiques que psychanalytiques, de l’amour et du couple. L’ouvrage est aussi truffé d’exemples de couples célèbres d’hier et d’aujourd’hui représentant différents types de schémas amoureux.

Marie HazanPhoto: Nathalie St-Pierre

Premier constat: bien que près d’un couple sur deux se sépare, celui-ci est plus recherché que jamais. «C’est une relation encore très valorisée, un état enviable», affirme Marie Hazan. Cette quête de l’âme sœur, ce désir de rencontre et d’accomplissement se manifestent à peu près chez tous les individus, peu importe l’âge. «Les raisons d’être en couple et les objectifs poursuivis peuvent varier selon les individus, certes, beaucoup de monde cherchent le bonheur à travers le couple!», souligne la professeure.

Le manque d’amour, les blessures narcissiques, et les problèmes d’adaptation aux différences entre conjoints figurent parmi les principales raisons qui poussent les couples ou les individus à consulter un psychologue. Dès qu’une relation est terminée, les individus ont tendance à se lancer rapidement à la conquête d’un autre amour, tout en craignant, paradoxalement, de ne pas trouver la bonne personne, remarque Marie Hazan, qui a vu de nombreux amoureux enthousiastes ou déçus et des couples défiler dans son bureau de consultation au fil des années. «La barre est si haute, dit-elle, l’idéal est si difficile à réaliser que l’entreprise peut échouer, tout en étant reconduite aussitôt!»

Selon la professeure, faire durer l’amour dans un couple constitue un véritable défi, mais un beau défi! «Il y avait autrefois des mariages de raison ou des unions imposées, si bien que l’amour se vivait souvent hors du nid conjugal. On ne mettait pas tous ses œufs dans le même panier!», rappelle Marie Hazan. Aujourd’hui, la pression est énorme sur les partenaires, homme ou femme. «Ceux-ci doivent avoir tout bon: on doit aimer les mêmes types de vacances que l’autre, pratiquer des sports et loisirs similaires et manger les mêmes plats! Le couple est devenu un projet qu’il faut réussir à tout prix, mais on ne peut pas trouver en même temps une sexualité épanouie, un amour parfait, une communication hors pair et une vie de famille exemplaire dans une seule relation», tranche la professeure.

L’explication psychanalytique

L’amour impossible à la Roméo et Juliette, les passions folles, les amours fusionnels font toujours rêver. Les exemples abondent au cinéma et dans la littérature. Selon l’approche psychanalytique, cette quête de l’amour impossible puiserait ses origines dans la relation avec la mère, aussi marquante pour les petites filles que pour les petits garçons. «C’est le premier objet d’amour et il est difficile de s’en séparer, soutient Marie Hazan. L’amour impossible vient de l’interdit de l’inceste. L’individu cherche en quelque sorte à retrouver ce premier objet d’amour, cette relation fusionnelle idéalisée dont il n’a pas fait le deuil à l’origine.»

Mais comme la société est aujourd’hui plus ouverte et qu’il est possible, à tout moment, de mettre fin à une relation insatisfaisante, la chercheuse croit que les individus sont moins enclins à se lancer dans un amour impossible.

L’amour fraternel

Il semble que bien souvent l’aventure du couple s’engage dans une relation d’amour de type fraternel qui rappelle la relation frère-sœur, poursuit Marie Hazan. «On vit alors avec un alter ego dans lequel on se reconnaît, dit la professeure. C’est une relation démocratique et égalitaire, qui se caractérise par la solidarité, l’entraide et l’émulation; parallèlement, cela peut aussi émousser le désir.»

Une relation basée sur un rapport démocratique et sur l’égalité des sexes n’a pas que des aspects positifs. Le couple peut être tenté de mettre ses différences de côté ou de les gommer tout bonnement. «Il est illusoire de penser que nous sommes en tout point pareils, observe Marie Hazan. Une relation où les deux partenaires sont complémentaires est souvent plus saine qu’une relation en miroir où la compétition peut être féroce.»

Partager et définir les rôles

La grossesse, l’accouchement, l’arrivée d’un bébé et l’allaitement sont des étapes charnières dans la vie d’un couple, au cours desquelles les différences entre les sexes sont particulièrement marquées. La psychologue suggère un meilleur partage et une meilleure définition des rôles au sein du couple, du moins pendant un certain temps afin de s’ajuster à la nouvelle vie à trois. «ll n’est pas question de revenir aux rôles traditionnels d’antan, mais le partage des rôles n’a pas que de mauvais côtés. Il a le mérite d’être clair», souligne-t-elle.

Contrairement aux idées reçues, les conflits peuvent s’avérer très constructifs, affirme Marie Hazan. «Encore une fois, ils permettent de confronter les différences et d’accepter que l’autre ne pense pas comme soi. Ils peuvent même conduire à une plus grande égalité dans le couple.»

L’amour est le ciment du couple, dit-on, à la condition toutefois d’accepter que l’amour passion ait une durée limitée et de renoncer parfois à son idéal dans le couple pour rêver de projets communs», conclut la professeure.