Voir plus
Voir moins

La relation employeur-employé

Comment faire pour réduire le taux de roulement de son organisation?

Par Pierre-Etienne Caza

20 mars 2014 à 9 h 03

Mis à jour le 26 septembre 2014 à 14 h 09

Photo
 

«Alors qu’environ 90 % des gestionnaires croient que la cause première de départ tient au salaire, environ 90 % des employés invoquent une autre raison», écrit la professeure Lucie Morin en introduction à l’ouvrage Fidéliser ses employés, paru au début de l’année chez Isabelle Quentin éditeur.

Ancienne gestionnaire et professeure au Département d’organisation et ressources humaines de l’ESG depuis 2002, Lucie Morin enseigne au MBA pour cadres depuis une dizaine d’années. Elle y côtoie des gestionnaires en exercice avides de connaître les meilleures pratiques de gestion. «Je me fais un devoir de leur expliquer non seulement les meilleures pratiques, mais aussi les recherches scientifiques qui les supportent», explique-t-elle. 

Son ouvrage d’une centaine de pages est le reflet de cette volonté. «C’est une synthèse des 50 dernières années en recherche, articulée autour de trois concepts-clés: la perception de justice, la perception d’auto-efficacité et la perception de compatibilité, précise-t-elle. C’est un livre sur la relation employeur-employé, écrit pour les gestionnaires afin de leur parler des besoins de leurs employés.»

Justice

Photo

Lucie Morin. Photo: Émilie Tournevache.

«Ce n’est pas juste!» est la récrimination qui résume le mieux la perception de justice, explique Lucie Morin. Il peut s’agir d’une décision qui ne fait pas le bonheur de l’employé qui la considère comme étant injuste. Il peut aussi s’agir d’une procédure jugée déficiente par l’employé, que la décision qui en résulte soit injuste ou non. «Au sein des organisations, la justice procédurale génère autant de sentiment d’injustice que les décisions proprement dites», précise la chercheuse. Il se peut aussi que le sentiment d’injustice naisse d’un problème d’interaction entre le gestionnaire et l’employé. «Être traité comme un numéro ou sans trop d’égard fait souvent naître un sentiment d’injustice», illustre-t-elle.

Auto-efficacité

L’auto-efficacité est la croyance qu’a une personne de pouvoir réussir une tâche avec succès. Il ne faut pas confondre cette croyance avec l’estime de soi, précise la professeure. «Une haute estime de soi ne mène pas nécessairement à la performance; l’effort et la persévérance, oui».

La perception d’auto-efficacité joue un rôle crucial dans la motivation d’un employé. «La croyance de pouvoir n’assure pas nécessairement le succès, alors que la croyance de ne pas pouvoir conduit toujours à l’échec», souligne l’auteure.  

L’auto-efficacité est très importante à gérer pour une organisation, particulièrement auprès des employés à qui l’on confie de nouvelles tâches. «Le cas classique est celui du professionnel qui devient gestionnaire et qui est laissé à lui-même, affirme Lucie Morin. Il faut l’accompagner, le former et gérer sa confiance. Il deviendra alors performant beaucoup plus rapidement et voudra demeurer au sein de l’entreprise.» C’est une question de réciprocité: plus un employé se sent soutenu, plus il s’investit dans l’organisation.

Compatibilité

La relation entre employé et employeur débute dès la recherche d’emploi. «On choisit d’abord une organisation avant de choisir un poste. Une fois embauché, l’employé qui a des affinités avec les valeurs de son organisation est plus heureux, s’investit davantage et veut y demeurer plus longtemps.»

La compatibilité personne-organisation est à ce point cruciale qu’il est primordial pour les entreprises de prendre le temps de définir leurs valeurs organisationnelles et de bien choisir, former et évaluer leurs gestionnaires en fonction de critères qui reflètent ces valeurs. «Ce sont les gestionnaires qui doivent véhiculer celles-ci auprès des employés», précise la chercheuse.

Bien sûr, la perception de compatibilité est aussi liée à l’emploi occupé et aux tâches à exécuter. «Cela ne pose habituellement pas de problème si la description du poste a été bien rédigée», note Lucie Morin.

En revanche, l’une des raisons les plus souvent évoquées par les personnes qui décident de quitter leur emploi est une incompatibilité avec leur supérieur immédiat. «Un gestionnaire peut réussir à embaucher un bon employé en lui promettant un bon salaire, mais il faut qu’il travaille sa relation avec lui, autrement l’employé ne restera pas très longtemps au sein de l’organisation», explique l’auteure.

Fidéliser les gestionnaires

Les trois concepts retenus par Lucie Morin dans son ouvrage sont ceux qui reviennent invariablement lorsqu’elle interroge ses étudiants du MBA pour cadres à propos de la gestion du personnel. «On m’a fait remarquer que j’aurais pu consacrer un chapitre aux programmes de reconnaissance, qui sont à la mode ces temps-ci, note-t-elle. Mais si on les implante sans se soucier de la perception de justice, cela ne donnera rien! La même chose se produira si on s’évertue à reconnaître le travail d’un employé aux prises avec un piètre sentiment d’auto-efficacité…»

Bref, les gestionnaires avisés qui veulent attirer et fidéliser leurs employés ont intérêt à gérer les trois perceptions présentées par Lucie Morin. «Et il faut que leur grand patron nourrisse également leur perception de justice, d’auto-efficacité et de compatibilité. Même s’ils font partie du management, les gestionnaires sont eux aussi susceptibles de quitter le navire si on les fidélise pas», conclut-elle.