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Découverte de l’année

Les travaux de Paul del Giorgio sur le carbone ancien figurent parmi les 10 découvertes de l’année de Québec Science.

3 janvier 2014 à 8 h 01

Mis à jour le 7 juin 2022 à 12 h 14

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Depuis 20 ans, le magazine scientifique Québec Science divulgue le palmarès des 10 découvertes scientifiques de l’année au Québec. Cette année, le professeur Paul del Giorgio, du Département des sciences biologiques et titulaire de la Chaire Hydro-Québec de biogéochimie du carbone des écosystèmes aquatiques boréaux (BiCÉAB), se retrouve dans ce prestigieux tableau d’honneur, publié dans l’édition de janvier.

Le professeur Paul del Giorgio, qui est aussi membre du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie et en environnement aquatique (GRIL), a publié avec Leigh McCallister, professeure adjointe à la Virginia Commonwealth University, une étude – «Evidence for the respiration of ancient terrestrial organic C in northern temperate lakes and streams» – révélant qu’une quantité considérable du carbone émis dans l’atmosphère par les lacs et rivières du sud du Québec est très ancienne.

Cette étude, publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences, est unique, car un tel type de mesure n’avait jamais été réalisé auparavant, ne serait-ce qu’en raison des défis logistiques que les techniques impliquées représentent. Afin de mener à bien ce travail, le groupe du professeur del Giorgio a dû développer une nouvelle approche de A à Z afin d’isoler et de récupérer le CO2 produit par des bactéries cultivées en milieu naturel, en quantité et pureté suffisantes pour permettre des analyses isotopiques. «Cette approche a été rigoureusement testée sur plusieurs échantillons de lacs avant d’être utilisée pour évaluer l’âge du CO2 provenant de la respiration bactérienne», explique le professeur.

Le projet de recherche a été entièrement conçu et réalisé au Département des sciences biologiques de l’UQAM. Il a été mené par Leigh McCallister, qui était à l’époque en stage postdoctoral à l’UQAM.

Mise en contexte

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Paul del Giorgio. Photo: Nathalie St-Pierre.

On reconnaît de plus en plus l’importance globale des écosystèmes aquatiques. Ils sont des sentinelles des changements sur le plan du paysage ou du climat. Ils sont des catalyseurs de la transformation du carbone. Ils jouent un rôle en tant que sources de dioxyde de carbone (CO2) vers l’atmosphère et en tant que conduits pour le carbone et les nutriments depuis les continents vers les océans. Nulle part ailleurs, les lacs, rivières ou milieux humides ne jouent autant ces rôles que dans les paysages tempérés et boréaux, lesquels représentent la majeure partie du Québec et sont caractérisés par un réseau hydrographique complexe qui couvre une large proportion du territoire.

«Il est maintenant bien établi que la plupart des écosystèmes aquatiques émettent du CO2 dans l’atmosphère et que ces émissions sont significatives pour les bilans globaux de carbone, souligne Paul del Giorgio. Cela dit, si les scientifiques s’entendent sur le fait qu’une partie de ces émissions provient de la dégradation de carbone organique d’origine terrestre par les bactéries en milieu aquatique, la nature même de ce carbone demeure largement inconnue.»

Impact de la découverte

En se basant sur la datation au radiocarbone, Paul del Giorgio et Leigh McCallister ont pu déterminer que le carbone respiré par les bactéries datait d’aussi loin que 3 000 ans, ce qui suggère que les lacs agissent en tant que réacteurs de carbone organique très ancien provenant des sols environnants.

«Il est bien établi que les bactéries aquatiques utilisent largement le carbone organique d’origine terrestre, mentionne le chercheur. Cependant, les résultats obtenus dans cette étude permettent de remettre en question la croyance largement répandue selon laquelle le carbone organique ancien retrouvé dans les sols est récalcitrant à la dégradation bactérienne, et est donc fonctionnellement retiré du cycle du carbone.»

Il n’est pas encore établi clairement si cette libération de carbone ancien est nouvelle ou liée aux changements climatiques d’origine anthropique. «Mais si ces résultats s’avéraient représentatifs de l’ensemble des biomes – ou écorégions – tempérés et boréaux à travers le monde, la production globale de CO2 à partir de carbone qu’on croyait pourtant stocké à long terme pourrait être considérable», ajoute-t-il. Cette voie, bien qu’ayant potentiellement des conséquences majeures dans les bilans globaux de carbone, n’avait jamais été considérée auparavant.

Il reste encore beaucoup à apprendre sur les interactions entre les écosystèmes terrestres et aquatiques dans les milieux nordiques, mais cette nouvelle étude met en relief le rôle majeur des lacs et des rivières dans le système de stockage/décomposition du carbone.

Votez!

Le magazine Québec Scienceorganise un concours en lien avec les 10 découvertes de l’année. On peut participer au Prix du public en votant pour la meilleure découverte jusqu’au 20 février prochain sur le site de Québec Science: http://www.quebecscience.qc.ca/decouverte2013. Les découvertes de l’année feront l’objet d’une émission sur les ondes de Canal Savoir à partir du 19 janvier.