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Un retour à l’UQAM

Lauréat 2015 du prix Reconnaissance de la Faculté des arts, Louis Hamelin sera bientôt professeur invité au Département d’études littéraires.

Par Pierre-Etienne Caza

13 avril 2015 à 8 h 04

Mis à jour le 7 juin 2022 à 12 h 14

Louis HamelinPhoto: Nathalie St-Pierre

Sept diplômés de l’UQAM seront honorés à l’occasion du Gala Reconnaissance 2015 pour leur cheminement exemplaire et leur engagement. Ce texte est le deuxième d’une série de sept articles présentant les lauréats.

Peut-on réellement apprendre à écrire de la fiction à l’université? C’est une question que l’on pose souvent à Louis Hamelin (M.A. études littéraires, 1992). «Non, répond-t-il invariablement. Mais on y apprend à lire et à décoder un texte dans toute sa richesse. Et un bon écrivain est avant tout un bon lecteur.»

Louis Hamelin avait déjà amorcé l’écriture de son premier roman, La Rage, lorsqu’il s’est inscrit à la maîtrise en études littéraires, profil création, sous la direction de Noël Audet. «Je voulais rencontrer des gens qui se posaient les mêmes questions que moi par rapport à l’écriture, dit-il, et suivre les traces de mes auteurs américains favoris, comme Raymond Carver et Ken Kesey, qui sont aussi passés par des cours de creative writing

En marge des cours et des ateliers, l’apprenti écrivain planchait sur son manuscrit. «J’écrivais dans un cahier et je transcrivais le tout, en soirée, sur l’ordinateur de la professeure Julia Bettinotti», se rappelle-t-il.

Paru en 1989 chez Québec Amérique, La Rage raconte l’histoire d’un jeune décrocheur qui squatte les terres que le gouvernement a expropriées pour construire l’aéroport de Mirabel, près de Montréal. «Mes parents avaient un chalet dans cette région-là et j’y allais souvent, raconte l’écrivain. À l’époque, il y avait encore beaucoup de grogne envers le gouvernement concernant les expropriations et cela a nourri mon roman, qui est en fait une histoire de rébellion et de jeune homme en colère.»

Acclamé par la critique, le roman lui a valu le Prix du Gouverneur général. «Si mon roman avait été reçu dans l’indifférence et le silence, j’aurais peut-être choisi de me trouver un travail plus sûr, confie Louis Hamelin. Le succès critique m’a incité à foncer, le prix m’a donné les moyens de travailler sur un autre roman… et c’est ainsi que je suis devenu écrivain professionnel.»

Un écrivain pressé

Dans les années 1990, Louis Hamelin a publié quatre romans: Ces spectres agités (XYZ, 1991), qui était en fait son mémoire de création littéraire, Cowboy (XYZ, 1992), Betsi Larousse, ou l’ineffable eccéité de la loutre (XYZ, 1994) et Le Soleil des gouffres (Boréal, 1996). «Je ne voulais pas m’absenter du regard du public», reconnaît avec le recul l’écrivain.

Ces romans n’ont pas connu le succès de La Rage et certains critiques ont douté de sa capacité à s’imposer comme l’un des meilleurs écrivains de sa génération. «Vers la fin des années 1990, j’ai eu le goût d’écrire un ouvrage important, une espèce de grand roman américain, mais je n’avais pas encore la bonne histoire pour le faire», souligne l’auteur, qui a ralenti la cadence.

C’est à cette époque qu’il devient chroniqueur pour le journal Le Devoir, un poste qu’il occupe toujours. «On m’a confié la couverture des œuvres canadiennes et américaines, à la fois dans une perspective de critique et de chronique sur la lecture en général, précise-t-il. J’adore ça!»

La renaissance

En 2001, à la parution du Joueur de flûte (Boréal), le critique Gilles Marcotte écrit dans la revue L’Actualité: «Louis Hamelin devient l’écrivain considérable qu’on le soupçonnait d’être.» Le principal intéressé est plutôt d’accord avec ce constat. «J’ai abandonné cet espèce de lyrisme exacerbé qu’il y avait dans mes œuvres précédentes, dit-il. J’ai aussi découvert la mise à distance et l’ironie… sans oublier la concision! Le manuscrit du Joueur de flûte était deux fois plus volumineux et ça ne fonctionnait pas. Mon éditeur l’a d’ailleurs refusé. Alors je l’ai révisé et réécrit à la tronçonneuse!»

Le roman raconte l’histoire de Ti-Luc Blouin qui se rend sur la côte ouest à la recherche de son père, un écrivain américain mythique qui vit reclus dans l’île de Mere, au large de Vancouver, théâtre d’affrontements entre la multinationale qui détient les droits d’exploitation de la forêt et tout ce que l’Amérique compte d’écologistes et de militants.

Citoyen engagé pour la protection de l’environnement, Louis Hamelin ne fait pas mystère de ses deux passions, la nature et la littérature, qui s’entrecroisent à quelques reprises dans son œuvre. Peu de gens savent qu’il a d’abord obtenu un baccalauréat en agriculture spécialisé en environnement. «J’ai eu quelques petits boulots, comme naturaliste, entre autres, mais l’écriture, qui était présente depuis l’adolescence, a pris toute la place», raconte l’écrivain.

La Constellation du Lynx

Après des années de travail et de recherche, il publie finalement son grand roman américain en 2010: La Constellation du Lynx (Boréal), un roman de près de 600 pages portant sur la crise d’Octobre, revisitée sous l’angle de la conspiration politique. Entre Montréal, le Mexique et l’Abitibi, Hamelin dresse une extraordinaire fresque qui se situe au carrefour du roman historique, du polar et du thriller politique.

Ce roman, que la critique a qualifié de «premier grand roman sur la crise d’Octobre», lui a valu le Prix littéraire des collégiens, le Prix des libraires du Québec, le Grand Prix littéraire de la Presse québécoise et le Prix Ringuet. «J’ouvre rarement un de mes livres une fois publié, mais celui-là, j’en relis parfois des extraits et j’en suis particulièrement fier, autant pour l’histoire que pour le style», dit-il.

Et maintenant ? «On ne sait jamais où nous mènera l’écriture», affirme l’écrivain, qui a amorcé un nouveau roman dont l’action se déroule au bord d’un lac abitibien. La rédaction de ce huitième opus se poursuivra tandis qu’il sera professeur invité au Département d’études littéraires en 2015-2016. «Je reviens à mon alma mater afin de redonner aux jeunes un peu de ce que j’ai reçu et accumulé comme expérience au fil des ans», conclut-il.