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Spark Radio

Un système de communication sans fil mis au point à l’UQAM vise à remplacer la technologie Bluetooth.

Par Pierre-Etienne Caza

28 mars 2017 à 9 h 03

Mis à jour le 28 mars 2017 à 10 h 03

Circuit intégré de la Spark Radio avec les nombreux fils d’or permettant la connexion vers le monde extérieur. Photo: Spark Microsystems

Faire compétition à Bluetooth, rien de moins. Voilà l’objectif à peine voilé de Spark Microsystems, une start up issue de travaux de recherche menés à l’UQAM. «La technologie Bluetooth est trop énergivore. Elle requiert des piles et celles-ci n’ont pas une durée de vie suffisante pour rendre l’expérience satisfaisante pour le consommateur. Des écouteurs sans fil ayant une autonomie de quatre ou cinq heures, ce n’est pas optimal. La technologie que nous avons développée pourrait faire mieux, beaucoup mieux», affirme le professeur du Département d’informatique Frédéric Nabki. Lui et son collègue Dominic Deslandes ont créé avec un groupe d’étudiants une puce qui pourrait bien révolutionner les communications sans fil de courte portée.

À l’ère de l’Internet des objets, les transmetteurs-récepteurs sans fil de courte portée sont omniprésents. On les retrouve, par exemple, dans les souris d’ordinateur, les bracelets Fitbit, les montres connectées, les écouteurs et les haut-parleurs sans fil, et toutes sortes d’autres capteurs chargés de transmettre un volume relativement peu élevé de données dans un rayon de moins de 50 mètres. Ces systèmes ont tous plus ou moins la même architecture technique. En simplifiant à l’extrême, on retrouve un transmetteur-récepteur sans fil et une pile lui permettant de fonctionner.

Au fil des ans, des améliorations ont permis de réduire la consommation d’énergie de ces systèmes, mais pas suffisamment au goût des chercheurs de l’UQAM. «La calèche était le moyen de transport idéal il y a 120 ans. On aurait pu choisir d’améliorer le système en ajoutant sans cesse des chevaux, mais Henry Ford a décidé que la “version 2.0” de la calèche serait une automobile, illustre Frédéric Nabki. Ce fut un changement de paradigme. C’est ce que nous proposons.»

«Notre système consomme 35 à 40 fois moins d’énergie que Bluetooth, tout en offrant de meilleures performances dans la transmission des données.»

Frédéric Nabki

Professeur au Département d’informatique

Réinventer la manière de concevoir un transmetteur-récepteur sans fil, vraiment? «Soyons clair: nous ne pouvons pas changer les lois de la physique, dit en riant le professeur. Notre système fonctionne avec les ondes électromagnétiques. Mais au lieu d’envoyer une onde en continu pour transférer l’information, comme le font les systèmes actuels, notre système l’envoie sous forme d’impulsions, que nous appelons “impulsions de communication”.» Pour l’ordinateur, la différence est indétectable. «C’est comme si la transmission s’effectuait en continu, mais entre chacune des impulsions – espacées de quelques microsecondes –, notre système s’éteint complètement, explique Frédéric Nabki. C’est de là que provient l’économie d’énergie. Notre système consomme 35 à 40 fois moins d’énergie que Bluetooth, tout en offrant de meilleures performances dans la transmission des données.»

Les professeurs Dominic Deslandes et Frédéric Nabki entourés des étudiants qui participent au projet. Photo: Spark Microsystems

Le système requiert tellement peu d’énergie, en fait, qu’on pourrait utiliser des cellules solaires pour le faire fonctionner. Il serait donc possible d’éliminer la pile d’un transmetteur-récepteur, ce que Bluetooth ne peut pas faire. «Pensons, par exemple, à des capteurs de température et d’humidité dans une salle. Cela a l’air banal, mais c’est l’un des outils indispensables dans les bâtiments à notre époque. Or, la plupart des capteurs sont munis de fils – et cela coûte une fortune en installation et en entretien. Si on opte pour une technologie sans fil avec piles, il faut prévoir les coûts pour changer celles-ci. Notre technologie pourrait permettre d’économiser beaucoup d’argent.»

Dans la cour des grands

Circuit imprimé de démonstration de la puce du Spark Radio.  Photo: Spark Microsystems

Les chercheurs ont créé Spark Microsystems il y a moins d’un an (le Service des partenariats et du soutien à l’innovation de l’UQAM ainsi qu’Aligo Innovation, la société de valorisation de la recherche universitaire, sont impliqués dans l’aventure). «Les étudiants qui participent au projet ont l’occasion de faire le saut au sein de l’entreprise s’ils le désirent», souligne Frédéric Nabki. L’entreprise fait partie de l’accélérateur Centech, affilié à l’École de technologie supérieure. «Nous avons également présenté notre technologie aux experts de Silicon Valley et ils ont été impressionnés, raconte Frédéric Nabki. Nous sommes l’une des 10 entreprises sélectionnées l’automne dernier par l’incubateur Silicon Catalyst, spécialisé dans les start up du domaine des semi-conducteurs. Cela nous donne accès, entre autres, à des conseillers seniors de grandes entreprises.»

Le système de transmetteur-récepteur sans fil que souhaite commercialiser Spark Microsystems d’ici environ un an et demi se nomme Spark Radio. Un financier québécois est prêt à investir dans le projet pour aider à la commercialisation. Une annonce devrait être faite sous peu à ce sujet. «Il n’y aura pas de demi-succès, prévoit Frédéric Nabki. La technologie tient la route. Il reste à voir si nous réussirons à percer le marché et à bousculer les gros joueurs de l’industrie. Ça passe ou ça casse. Si nous réussissons, l’UQAM pourrait être associée à une véritable révolution des communications sans fil basse énergie et les retombées financières pourraient être immenses.» À suivre…