La professeure émérite de l’École de design France Vanlaethem présentait le 29 septembre dernier les résultats d’une étude patrimoniale portant sur les installations du Parc olympique. Ce mandat avait été confié par la Régie des installations olympiques (RIO) à Docomomo Québec, dont elle est la présidente fondatrice, dans la foulée du rapport déposé en 2012 par le Comité-conseil sur l’avenir du Parc olympique, présidé à l’époque par Lise Bissonnette. Docomomo Québec est l’antenne québécoise, logée à l’UQAM, de Docomomo International, un organisme qui a pour mission de documenter et de sauvegarder le patrimoine moderne.
«Notre équipe a privilégié une perspective ample, en élargissant le champ d’étude avant la construction des installations, précise France Vanlaethem. Nous avons cerné la signification du Parc olympique de Montréal à la croisée de l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme, de l’histoire urbaine et de l’histoire du sport, tout en tenant compte de l’accueil fait aux installations sportives conçues par l’architecte Roger Taillibert, autant par l’édition spécialisée en architecture que par la presse quotidienne.»
L’étude de Docomomo Québec a été réalisée selon la méthode de gestion par les valeurs, qui fait consensus parmi les organisations responsables du patrimoine au Québec. L’équipe de France Vanlaethem a consulté de nombreuses études et documents d’archives afin de mener à bien le projet. «Circonscrire la valeur patrimoniale d’un site comme le Parc olympique nécessite de se pencher sur divers aspects, tels que la valeur historique du Parc olympique pour le Québec et pour la Ville de Montréal, sa valeur architecturale, sa valeur urbaine dans le quartier et sa valeur emblématique», explique-t-elle.
La valeur historique
Au fil de ses recherches, France Vanlaethem s’est intéressée par la force des choses au développement du sport amateur et professionnel à Montréal et aux velléités olympiques de la ville. «J’ai été surprise de constater que, dès les années 1920, les dirigeants municipaux évoquaient l’idée d’accueillir les jeux d’été ou les jeux d’hiver», souligne-t-elle.
La professeure émérite souligne l’importance des Jeux olympiques de 1976, mais aussi celle de plusieurs autres événements sportifs, parmi lesquels les matchs des Expos de Montréal de 1977 à 2004, ainsi que de plusieurs autres grands événements sportifs ayant eu lieu au Stade olympique.
Un caractère architectural unique
L’étude de Docomomo Québec met en relief le caractère unique des installations du Parc olympique, notamment «le Stade olympique et son mât, servant à supporter un toit rétractable et dans le pied duquel est logé un centre de natation inondé de lumière».
L’appréciation du Parc olympique est encore ambivalente, a constaté la chercheuse. «De manière générale, le patrimoine moderne est un patrimoine mal-aimé et, s’il y a un matériau moderne honni, c’est bien le béton. Mais c’était pourtant un bâtiment novateur pour lequel on a utilisé des techniques de construction révolutionnaires à l’époque: le béton précontraint érigé en post-tension constituait une première pour un bâtiment de cette envergure.»
Le Parc olympique est une manifestation éloquente de la culture architecturale et urbanistique de l’époque, poursuit la spécialiste. «C’est un exemple d’urbanisme sur dalle et d’architecture oblique, un mouvement apparu dans les années 60 en France qui mise entre autres sur les rampes et la transparence.»
Un parc minéral
La localisation des installations olympiques au sud du parc Maisonneuve fut envisagée voilà près de cent ans, un choix confirmé dans les années 1960 afin de rééquilibrer le développement de la métropole, concentré à l’époque dans l’ouest, souligne l’étude. «Roger Taillibert avait choisi de faire du Parc olympique un parc minéral, comme une espèce de complément au parc Maisonneuve qui lui est végétal », explique France Vanlaethem.
Quarante ans plus tard, le quadrilatère du Parc olympique se positionne comme le seul pôle récréatif de l’est de Montréal et il est visité par plus de trois millions de personnes chaque année.
La valeur emblématique
France Vanlaethem aime bien rappeler à quel point la Tour Eiffel était honnie lors de son inauguration en 1889, alors qu’elle est devenue aujourd’hui le symbole de Paris. «Le Stade olympique et sa tour sont devenus le symbole de la ville, et bon nombre d’événements sociaux de grande envergure ont eu lieu dans cet important amphithéâtre, souligne-t-elle. À cela s’ajoutent les controverses ayant jalonné son histoire, ce qui fait de ce lieu un symbole fort, associé à l’histoire moderne du Québec avec ses bons et moins bons coups.»
Les retombées de l’étude
Même si le mandat confié à Docomomo Québec n’incluait pas formellement la formulation d’un avis sur la pertinence de conférer au Parc olympique un statut patrimonial officiel, France Vanlaethem n’hésite pas à se prononcer. «Le statut de site patrimonial est nécessaire afin de préserver l’espace, l’intégrité et l’authenticité du lieu, car les terrains du Parc olympique sont convoités. Il ne faudrait pas dénaturer l’ensemble.»
Des stèles informatives qui reprennent de grands pans de l’étude patrimoniale ont déjà été installées sur le site du Parc olympique, bonifiant ainsi les parcours touristiques déjà offerts aux visiteurs, en plus de faire connaître le travail de recherche de Docomomo Québec. «En patrimoine, l’un des grands enjeux est l’usage, note France Vanlaethem. La signification des lieux et des bâtiments se construit dans le temps, mais, pour cela, il faut effectuer une démarche éducative auprès du grand public. La RIO l’a bien compris: le Parc olympique fait partie de notre mémoire collective et il est important d’en souligner la signification historique et culturelle.»
L’intégralité de l’étude patrimoniale du Parc olympique est disponible en format numérique.
Des archives inaccessibles
Plusieurs ouvrages sur le Parc olympique et le Stade olympique ont été édités au fil des ans et le sujet fait l’objet de chapitres dans plusieurs biographies d’hommes politiques québécois – sans oublier tous les articles publiés à propos des coûts des Jeux et de la saga du toit. «Il y a une pléthore de documents traitant du sujet, mais aussi, paradoxalement, une carence de documents, note France Vanlaethem. Par exemple, je n’ai pu avoir accès aux archives de l’architecte Roger Taillibert, ni à celles du juge Albert H. Malouf, qui a présidé la Commission d’enquête sur le coût des Jeux de la XXIe olympiade, ni à celles de l’ancien maire Jean Drapeau.»
Certains de ces fonds d’archives sont fermés pour 100 ans. «Les archives de Roger Taillibert ont été confiées récemment à la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris, mais nos travaux étaient terminés avant que j’aie pu y avoir accès», souligne France Vanlaethem.