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Un homme d’action

Luc Ferrandez caresse plusieurs projets ambitieux pour son arrondissement et pour Montréal.

Par Claude Gauvreau

21 décembre 2017 à 15 h 12

Mis à jour le 6 février 2018 à 14 h 02

Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

Luc Ferrandez, maire de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal. Photo: Nathalie St-Pierre

Pour certains, il est un politicien controversé, voire radical. D’autres le perçoivent comme un gars pugnace, visionnaire et audacieux. Chose certaine, le maire du Plateau-Mont-Royal Luc Ferrandez (M.A. science politique, 1987) n’a pas la langue de bois et ne laisse personne indifférent.

«Cette double image, je la revendique», lance celui qui a relevé avec panache son plus récent défi lors des élections municipales du 5 novembre dernier. Ce jour-là, Luc Ferrandez a obtenu un troisième mandat consécutif à titre de maire du Plateau, récoltant plus de 65 % des voix, son meilleur résultat depuis son arrivée en politique municipale.

La victoire éclatante de Projet Montréal, son parti, et de sa cheffe Valérie Plante, première mairesse de Montréal, a surpris tout le monde, mais pas le maire du Plateau. «Valérie Plante offrait le visage d’une gestionnaire capable de faire face à la musique, d’une personne accessible, humaine et rassembleuse», dit-il.

«Valérie Plante offrait le visage d’une gestionnaire capable de faire face à la musique, d’une personne accessible, humaine et rassembleuse.»

Luc Ferrandez,

maire du Plateau-Mont-Royal

Le rejet des politiques de l’équipe de Denis Coderre a fait le reste. «Cette équipe a certes contribué à redresser les finances et à redorer l’image de Montréal, qui en avait bien besoin après les scandales de corruption de l’administration précédente, admet Luc Ferrandez. Mais le style de gestion autoritaire de Denis Coderre dans des dossiers comme le Grand prix de Formule E ou la construction d’un amphithéâtre sur l’île Sainte-Hélène, qui a forcé l’abattage de 1 000 arbres, a déplu aux Montréalais et Montréalaises.»

De Montréal à Paris

Luc Ferrandez est né à Montréal en 1962 d’un père français et d’une mère québécoise. Dans les années 1980, il obtient un baccalauréat et une maîtrise en science politique à l’UQAM. Puis, il séjourne à Paris durant cinq ans, où il poursuit des études de troisième cycle en politiques économiques à l’École des hautes études en sciences sociales, tout en fréquentant le prestigieux Collège de France, l’École de science politique et l’École normale supérieure.

«C’est à Paris que j’ai pris conscience que l’UQAM n’avait rien à envier aux  grandes écoles françaises, que l’enseignement que j’y avais reçu était rigoureux et de qualité», note le maire du Plateau. Celui-ci se souvient en particulier des professeurs Jacques Lévesque, André Corten et, surtout, Thierry Hentsch, son directeur de maîtrise, aujourd’hui décédé. «Il passait un temps fou à corriger les travaux de ses étudiants, accordant une attention particulière à la rédaction, à l’analyse et à la méthodologie. Tout en nous laissant beaucoup de liberté, il nous aidait à organiser et à orienter nos idées. Après deux ans sous sa direction, un étudiant savait écrire. Ce solide bagage intellectuel m’a toujours servi.»

«C’est à Paris que j’ai pris conscience que l’UQAM n’avait rien à envier aux  grandes écoles françaises, que l’enseignement que j’y avais reçu était rigoureux et de qualité.»

Engagement citoyen

Avant de se lancer en politique municipale, Luc Ferrandez travaille à Paris au Centre international de recherche en environnement et en développement (CIRED), lequel est rattaché au Conseil national de la recherche scientifique (CNRS). De retour au Québec, il œuvre pendant 10 ans comme conseiller en management et en gestion du changement. Il devient directeur des communications chez CAE Électronique et conseiller principal en communication chez Hydro-Québec. «C’est au cours de cette période que j’ai développé un intérêt pour l’environnement, le développement socio-économique et les innovations, notamment dans le domaine énergétique», raconte le diplômé.

Parallèlement à son travail, il s’investit comme citoyen dans différentes causes reliées à la qualité de vie urbaine. «Quand je suis revenu à Montréal, je trouvais que la ville était dans un piteux état et que le conservatisme l’étouffait, souligne le politicien. C’est pourquoi je me suis engagé dans des mouvements citoyens pour, entre autres, défendre les quartiers anciens de Montréal, apaiser la circulation automobile ou embellir le parc du Mont-Royal.»

Ce parcours conduit le diplômé à se présenter candidat à la mairie de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, en 2009, sous la bannière de Projet Montréal, dont il deviendra le chef intérimaire de 2014 à 2016, après le départ de Richard Bergeron.

Conjuguer progrès économique et social

Aménagement de pistes cyclables protégées, création d’espaces piétonniers, rénovation de parcs de quartier, création d’une trentaine de ruelles vertes, plantation de 2 500 arbres, embellissement de rues résidentielles et commerciales… Malgré les critiques de certains commerçants, qui ont vu d’un mauvais œil les entraves à la circulation et au stationnement se multiplier dans les rues du quartier, Luc Ferrandez est fier du travail accompli. «Le bilan de Projet Montréal dans le Plateau montre que développement économique et lutte contre les changements climatiques ne sont pas antinomiques, pas plus que ne le sont le progrès social et la gestion responsable des ressources budgétaires, soutient-il. Et nous allons poursuivre dans la même voie.»

Les travaux de réaménagement du parc Lahaie ont permis l’ajout de mobilier et la plantation de végétaux.

Selon lui, l’aménagement des parcs et le développement du Mile End comptent parmi les plus beaux succès de son administration. «Nous avons réinventé l’espace des parcs Lahaie, Laurier et Baldwin, lesquels sont devenus  des lieux de rencontre, de véritables places publiques», observe le maire du Plateau. Au coin des boulevards Saint-Laurent et Saint-Joseph, les travaux de réaménagement du parc Lahaie, par exemple, ont permis l’ajout de mobilier (bancs, lampadaires, tables de pique-nique), la plantation de végétaux (arbres, arbustes, graminées) et la mise en place d’une œuvre d’art public (Les anges domestiques, de la diplômée Catherine Bolduc (M.A. arts visuels et médiatiques, 05)).

«Le bilan de Projet Montréal dans le Plateau montre que développement économique et lutte contre les changements climatiques ne sont pas antinomiques, pas plus que ne le sont le progrès social et la gestion responsable des ressources budgétaires.»

Quant au quartier Mile End, il est devenu  l’un des principaux pôles d’emploi à Montréal et aussi un pôle de culture et de création. «Nous y avons créé 5 500 emplois depuis 2012, souligne Luc Ferrandez. Nous avons réussi à garder Ubisoft et à attirer des entreprises de partout dans le monde, notamment de Californie et d’Angleterre. Comment y est-on parvenu? En faisant de ce quartier un milieu de vie où les résidents ont envie de travailler, de se divertir, de se nourrir et de se cultiver.» C’est ce que le diplômé appelle un quartier complet, doté d’une organisation spatiale favorisant une mixité de fonctions.

Des poumons verts

Avec l’arrivée de Projet Montréal à l’hôtel de ville, Luc Ferrandez a hérité de deux dossiers, ceux des grands parcs et des grands projets. Montréal compte plus de 20 grands parcs, dont le parc Jean-Drapeau, le parc Jarry et le parc Lafontaine. «Le développement résidentiel a été tellement important ces 20 dernières années qu’il est urgent de préserver ces grands poumons verts, observe le diplômé. La forêt urbaine du parc du Mont-Royal, par exemple, est plutôt mal en point. Et le chemin de la montagne s’est transformé en autoroute. Ces espaces et bien d’autres doivent devenir des lieux d’émerveillement, qui permettent un contact privilégié avec la nature et la culture.»

Inaugurée en 2013, la place du Coteau-Saint-Louis est située sur l’avenue Laurier Est, à côté de la station de métro. L’endroit, auparavant désert, est devenu un lieu de rencontre, une véritable place publique.Photo: Ville de Montréal

Le développement de places publiques est au centre des grands projets dont le maire du Plateau est responsable. «Je tiens à ce que la rue McGill devienne la plus grande place publique en Amérique du Nord, dit-il. Je souhaite aussi que l’on repense la vocation de la place Gérald-Godin, près de la station de métro Mont-Royal, du square Phillips, de la rue Saint-Denis et de la rue Sainte-Catherine, lesquels incarnent la nature profonde de Montréal.»

Maintenant que son parti est au pouvoir, Luc Ferrandez va-t-il s’assagir? «Quand on veut rester au pouvoir, on s’assagit, remarque-t-il. Moi, ce que je veux, c’est réaliser des choses pour améliorer le vivre-ensemble à Montréal. Mon modèle, c’est Jean-Paul L’Allier, l’ancien maire de Québec, qui a contribué à transformer la Vieille Capitale grâce à une vision ambitieuse. L’importance de l’urbanité a été trop longtemps ignorée. On doit comprendre que les villes sont les locomotives de la modernité.»