Voir plus
Voir moins

Cinq ans à la barre

Le recteur Robert Proulx fait le bilan de son passage à la direction de l’UQAM.

Par Marie-Claude Bourdon

19 décembre 2017 à 10 h 12

Mis à jour le 19 décembre 2017 à 11 h 12

«Je défendrai toujours la liberté académique et l’autonomie universitaire.» Photo: Nathalie St-Pierre

Au moment de poser sa candidature au poste de recteur, il y a cinq ans, Robert Proulx avait énoncé les projets qui lui tenaient à cœur: consolider la recherche et développer les cycles supérieurs tout en améliorant la formation, accroître la présence de l’Université sur la scène internationale, mais aussi sur la scène canadienne, québécoise et locale et, finalement, revoir les processus pour que l’UQAM puisse faire face aux enjeux du monde d’aujourd’hui, sans trahir ses valeurs. Alors que son mandat tire à sa fin et qu’il s’apprête à passer le relais à la vice-rectrice aux Systèmes d’information Magda Fusaro, qui lui succédera le 8 janvier prochain, le recteur fait le bilan de ses cinq années à la barre de l’UQAM.

«Je défendrai toujours la liberté académique et l’autonomie universitaire, affirme-t-il d’emblée. Les universités sont des lieux publics dont le rôle est d’assurer le progrès social à travers une meilleure compréhension du monde par la recherche, par l’enseignement et par la formation de citoyens capables d’innover et de se développer. Pour moi, cela est fondamental et il était certain que cela allait animer tout mon mandat.»

Robert Proulx ne s’est pas présenté comme un gestionnaire qui allait régler tous les problèmes du haut de son bureau. «Je voulais dynamiser la base, dit-il, stimuler les gens –pas seulement les professeurs et les chargés de cours, mais toute la communauté –, les sensibiliser à de nouvelles avenues pour que l’on travaille ensemble à faire émerger des innovations et à bâtir l’avenir de l’Université.»

À l’heure du bilan, le recteur a le sentiment d’avoir fait tout en son pouvoir pour donner cette impulsion à l’UQAM, et cela, malgré les critiques et les difficultés de parcours. «Quand on accepte un poste de cette nature, il faut s’attendre à encaisser des coups, à vivre des difficultés, mais on doit penser à l’intérêt supérieur de l’Université», confie-t-il en évoquant, notamment, les négociations de nouveaux contrats de travail avec les différents groupes de la communauté et les troubles étudiants qui ont ébranlé le campus en 2015. «Quand il y a des débordements, on doit agir, dit-il. Sinon, le risque est de perdre le contrôle et, si on perd le contrôle, c’est l’autonomie universitaire qui est menacée.»

Un contexte financier difficile

Malgré tous les projets que l’on peut avoir, on ne peut faire abstraction du contexte quand on dirige une institution telle que l’UQAM, et ce que l’on fera ou ne fera pas sera en grande partie déterminé par le contexte, rappelle Robert Proulx. «On a une grande responsabilité, et je pense que c’est de prendre les meilleures décisions possibles en fonction de la situation.»  

Nul besoin de rappeler que le contexte dans lequel Robert Proulx a effectué son mandat n’a pas été des plus faciles. «Trois jours après mon entrée en poste, en plein milieu de notre année financière, le gouvernement nous a annoncé des compressions de 12 millions de dollars, rappelle-t-il. Ces mesures devaient être suivies par un refinancement, mais nous avons plutôt subi de nouvelles compressions.»

Dans l’espoir que l’initiative conduise à une réflexion en profondeur sur le rôle des universités, l’UQAM a pleinement participé au Sommet sur l’enseignement supérieur tenu en 2013 par le gouvernement du Parti québécois. Un mémoire a été déposé sur un projet de loi-cadre et un autre sur la politique de financement des universités – une bataille dans laquelle le recteur a investi beaucoup d’énergie. «Nous avons proposé une politique de financement en défendant les valeurs qui sont les nôtres et qui sont basées, entre autres, sur la collaboration, déclare-t-il. Au lieu d’encourager la concurrence entre les universités, la formule de financement devrait être équitable et permettre de reconnaître ce dont chaque établissement a besoin pour fonctionner à pleine capacité et remplir sa mission auprès de la société.»

Avec le changement de gouvernement survenu au printemps 2014, les compressions se sont poursuivies, finissant par totaliser 24 millions de dollars entre 2012 et 2016. «Un tel niveau d’austérité, cela ne s’était jamais vu dans l’histoire de l’UQAM», affirme le recteur Proulx. Non planifiées, ces compressions étaient d’autant plus difficiles à absorber. Mais, pour le recteur, il n’était pas question que l’UQAM replonge dans les déficits. Des sacrifices ont été nécessaires, confie-t-il, mais l’Université n’a pas perdu le contrôle de ses finances. Et cela, malgré le fait que de nouveaux contrats de travail étaient négociés au même moment avec les principaux syndicats.

«Malgré ce contexte financier difficile, nous n’avons pas jeté la serviette sur le plan du développement», indique Robert Proulx. Le plancher d’emploi des professeurs a été relevé, on a lancé de nouvelles chaires et de nouveaux centres de recherche, on a investi dans des efforts de recrutement, notamment à la Faculté des sciences, où un nouveau programme de bourses d’exemption de frais majorés pour les étudiants étrangers inscrits au doctorat a été mis en place. Des initiatives ont également été lancées afin d’améliorer l’intégration des étudiants en situation de handicap et celle des étudiants autochtones.

Rayonnement et internationalisation

Au cours du mandat de Robert Proulx, l’UQAM a poursuivi son implication dans le développement de Montréal, qui s’est hissée, en février 2017, au sommet du palmarès des meilleures villes universitaires du monde. L’UQAM s’est démarquée par les projets présentés dans le cadre du mouvement Je fais MTL, elle a adhéré au Quartier de l’innovation, a développé son partenariat avec le Quartier des spectacles et a présenté des mémoires sur le développement urbain, économique et culturel de la ville.

Robert Proulx se dit aussi très fier du travail accompli pour augmenter le rayonnement de l’UQAM sur la scène nationale et internationale. Le recteur s’est notamment distingué en proposant le concept de «l’internationalisation autrement», axé sur la collaboration plutôt que sur la concurrence entre les universités. «Dans un contexte de mondialisation, le but des universités ne devrait pas être de chercher à accaparer la plus grande part possible du marché des étudiants étrangers, soutient-il, mais de créer des partenariats de recherche, des réseaux de partage de la connaissance et des couloirs de mobilité pour leurs étudiants.»

Entre 2013 et 2017, l’UQAM a conclu 493 ententes (incluant les renouvellements) de coopération internationale avec plus de 270 institutions différentes et a réalisé près de 48 missions à l’étranger. Amené lui-même à voyager en Asie, en Amérique Latine et en Europe, le recteur a senti que son message sur l’internationalisation était accueilli avec intérêt, autant dans les universités étrangères qui l’ont invité qu’au pays, où il a tenu à le diffuser sur plusieurs tribunes. «Partout sur la planète, les universités travaillent sur des questions importantes pour l’humanité, que ce soit la qualité de l’eau ou la justice sociale, souligne Robert Proulx. C’est en créant des réseaux durables que nous pourrons rendre accessible à l’ensemble du monde le savoir qui résulte des activités de recherche menées dans les universités.»

Une feuille de route pour l’UQAM

L’élaboration du Plan stratégique 2015-2019 a constitué un autre élément important du rectorat de Robert Proulx. Ce plan, qui a fait l’objet d’une opération de consultation sans précédent, a été l’occasion pour l’UQAM de se redéfinir et d’exprimer sa vision de ce qu’elle veut devenir. «C’est important, pour une grande organisation comme la nôtre, d’avoir une feuille de route acceptée par tout le monde, qui définit nos grandes orientations», souligne le recteur.

Ces quatre grandes orientations – actualisation des modes de développement de l’Université; instauration de pratiques de gestion plus efficientes; mise en place d’un milieu de vie sain, dynamique et stimulant; et renforcement de l’ancrage de l’Université dans son milieu et ouverture accrue sur le monde – commandent des actions de la part de toutes les unités de l’Université. Le Service de planification académique et de recherche institutionnelle (SPARI) a conçu un outil, le Tableau de bord institutionnel, qui permet de faire état de ces actions réalisées ou prévues par les différentes unités pour favoriser la mise en œuvre du Plan stratégique.

«Pour savoir si on allait dans la bonne direction, il a fallu créer un outil, mentionne Robert Proulx. Mais cet outil, il est interactif. S’il y a des choses que l’on doit modifier en cours de route, on doit pouvoir le faire. Le Plan stratégique doit s’adapter en fonction du contexte.»

Le bilan de l’année 2016-2017 présenté dans le Tableau de bord institutionnel s’avère globalement positif. Près des deux tiers (64%) des initiatives prévues au Plan d’action 2016-2017 ont atteint leur cible. Que ce soit sur le plan de la recherche, de la formation, de l’adaptation aux nouvelles réalités de la population étudiante, des pratiques de gestion ou de l’ancrage de l’Université dans son milieu, qui se traduit autant par ses liens avec ses diplômés que par sa visibilité à Montréal, au Québec, au Canada et dans le monde, les indicateurs sont positifs, se réjouit le recteur.

Avec un financement de 35 millions de dollars consenti par les différents paliers de gouvernement pour des projets majeurs d’infrastructure, dont la restauration du clocher de l’église Saint-Jacques, emblème de l’Université et du Quartier latin, et une promesse de réinvestissement dans l’enseignement supérieur, l’UQAM peut envisager son avenir avec optimisme, croit le recteur.

«On m’a reproché d’avoir beaucoup parlé de finances, dit-il, mais il ne peut y avoir de développement académique sans de solides assises financières. Nous sommes passés à travers une crise sans précédent sur le plan financier, mais nous avons atteint une stabilité qui va permettre à l’UQAM de se développer. Je laisse la maison en ordre pour ma successeure.»

Selon lui, les questions d’inclusion et de diversité, devenues incontournables dans le monde universitaire comme dans la société, vont continuer de s’imposer. Avec sa tradition d’être à l’écoute des besoins du milieu pour produire des connaissances, l’UQAM, souligne-t-il, est particulièrement bien placée pour trouver des solutions permettant de profiter de cette diversité pour se redéfinir et se relancer, tout en conservant ses valeurs. «C’est ce que je souhaite à l’UQAM, dit-il, de ne jamais abandonner ses valeurs d’origine tout en continuant à se développer.»