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Les défis de la neutralité

Les manifestations de croyances religieuses mettent à l’épreuve le devoir de neutralité des enseignants.

Série

Acfas 2018

Par Claude Gauvreau

8 mai 2018 à 11 h 05

Mis à jour le 8 mai 2018 à 11 h 05

Série Acfas 2018
Plusieurs scientifiques de l’UQAM organisent des colloques dans le cadre du congrès qui a lieu à l’Université du Québec à Chicoutimi du 7 au 11 mai.

L’enseignement culturel du phénomène religieux pose des défis inédits aux enseignants. Photo: Getty Images

Au Québec et dans d’autres pays, l’enseignement culturel, non confessionnel, du phénomène religieux comporte de nombreux enjeux: la formation des enseignants, la prise en compte de la diversité des pratiques et des convictions religieuses, les tensions entre science et croyances.

«Cet enseignement pose des défis inédits, comme celui de la neutralité des enseignants à l’égard des croyances religieuses et de la quête spirituelle des élèves, mais aussi de leurs propres convictions», souligne Stéphanie Tremblay, professeure au Département de sciences des religions et coresponsable du colloque L’éducation à la religion, le développement spirituel et les fondamentalismes à l’école laïque: quelle neutralité pour les enseignants? (9 mai).

Le concept de neutralité sera au centre des discussions lors du colloque, qui réunira des chercheurs du Québec, de la France et de la Suisse. «Dans le contexte québécois, on parle davantage d’objectivité et d’impartialité, ou encore d’un devoir de réserve de la part des enseignants, mais tout cela demeure peu défini en pratique», note la professeure.

Implanté dans les écoles québécoises depuis 2008, le programme Éthique et culture religieuse (ECR) est basé sur la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien commun. L’enseignant est tenu de respecter les croyances religieuses des élèves et de leurs parents, mais il est appelé à intervenir devant des manifestations de croyances fondamentalistes ou radicales, qui entrent en conflit avec des valeurs démocratiques fondamentales –  égalité entre les hommes et les femmes, liberté de pensée et d’expression – ou qui entraînent la négation de savoirs scientifiques. «Les valeurs démocratiques sont définies par les chartes des droits et libertés et sont liées à la poursuite du bien commun, l’un des principes de base du cours ECR, rappelle Stéphanie Tremblay. La reconnaissance de l’autre ne peut pas se faire au détriment de leur respect.»

En classe, les enseignants sont plus souvent confrontés à des conceptions xénophobes, homophobes et à des théories complotistes – associées ou non à des croyances religieuses – qu’au fondamentalisme religieux, observe la chercheuse. «Les théories du complot, par exemple, exercent un attrait auprès des jeunes, notamment les adolescents.»

Les enseignants sont aussi interpellés par la quête spirituelle de certains élèves. L’article 36 de la Loi sur l’instruction publique souligne que l’école québécoise a pour mission de faciliter le cheminement spirituel de l’élève. «Cette question demeure taboue et n’est jamais considérée comme un objet de savoir, remarque Stéphanie Tremblay. Pourtant, des élèves expriment le besoin d’en parler. Nous nous pencherons sur les défis qui entourent l’ajout de cette dimension dans la formation des enseignants.»

La professeure présentera pour sa part une communication sur le problème de la radicalisation à l’école. «Le plan d’action gouvernemental en matière de prévention de la radicalisation au Québec ne propose pas une définition claire du concept de radicalisation, soutient Stéphanie Tremblay. Nous nous interrogerons sur ce qui peut être considéré comme étant radical et sur ce qui doit faire l’objet de prévention à l’école.»