Le viaduc de Millau, le pont possédant les plus hauts pylônes du monde, est une merveille architecturale. Érigé dans le sud de la France, cet ouvrage célèbre pour sa grâce et sa beauté aérienne attire les touristes, qui font des détours pour l’admirer. L’Aéroport international de Beijing, le plus grand et le plus important au monde, est un exemple en matière de convivialité, d’écoresponsabilité et d’efficience opérationnelle. Le nouveau Reichstag avec son dôme baigné de lumière, aujourd’hui l’un des emblèmes de Berlin, incarne la renaissance de cette ville profondément marquée par la guerre tout en étant un modèle de durabilité: grâce à un ingénieux système de cogénérateur, le bâtiment produit plus d’énergie qu’il n’en consomme.
Ces réalisations architecturales font partie des nombreux projets de Foster + Partners présentés dans le cadre de l’une des plus ambitieuses expositions jamais réalisées par le Centre de design. Pour les gens – Pour la terre: Foster + Partners révèle à travers une série de magnifiques maquettes l’avant-gardisme environnemental de cette firme d’architecture, l’une des plus importantes à l’échelle internationale.
«C’est un projet que je voulais faire depuis longtemps», confie le commissaire de l’exposition, Börkur Bergmann, professeur à l’École de design et directeur du Centre. «Comme l’École de design de l’UQAM, qui se distingue par l’enseignement de plusieurs disciplines reliées au design, la pratique de Foster + Partners se démarque par cette même position transversale, souligne le professeur. Avant tout, cette exposition veut montrer l’importance que la firme accorde depuis 50 ans à l’écologie et aux questions sociales, plus globalement à la place que l’être humain occupe dans sa communauté et dans son environnement.»
Pionnière du développement durable
Fondée en 1967 par Norman Foster (aujourd’hui Lord Norman Foster), qui la dirige encore de nos jours, l’entreprise œuvre à tous les niveaux du design, de la conceptualisation à la réalisation, de l’architecture au design d’intérieur, en passant par le design urbain. La firme a été et reste une pionnière en matière de développement durable et d’écoresponsabilité.
Le premier projet présenté dans le cadre de l’exposition en est un bel exemple. Le siège social de la compagnie d’assurance Willis Faber and Dumas, construit à Ipswich, une localité située à une centaine de kilomètres au nord de Londres, a été réalisé en 1974, mais, déjà, il incarne les qualités qui feront la marque de Foster + Partners. Le site se distingue par la qualité exceptionnelle de son milieu de travail, avec ses bureaux ouverts, ses espaces communs, sa piscine pour les employés et son toit vert, une innovation totalement inédite pour l’époque!
«Les projets réalisés par Foster +Partners se démarquent également par la précision de leur travail et leur économie de moyens», observe Nigel Dancey, associé principal senior de la firme, qui était de passage à Montréal pour le lancement de l’exposition. L’aéroport de Stansted, construit en Angleterre entre 1981 et 1991, est devenu un modèle pour les planificateurs et concepteurs d’aéroports du monde entier. Entièrement éclairé naturellement, l’aérogare se caractérise par ses espaces ouverts où il est facile de se repérer, par ses arbres structurels supportant une toiture qui laisse pénétrer la lumière et par son intégration à l’environnement rural.
Première tour de bureaux écologique
Parmi les autres projets clés présentés dans l’exposition, on remarque le siège social de la Commerzbank de Francfort, en Allemagne, la première tour de bureaux écologique au monde, qui a été le plus haut gratte-ciel d’Europe lors de son inauguration en 1997. Chaque bureau baigné par la lumière naturelle dispose de fenêtres qui s’ouvrent. En permettant à ses occupants de contrôler leur environnement, on a réussi à baisser la consommation d’énergie de l’édifice de moitié par rapport aux tours classiques. La tour futuriste du 30 St Mary Axe de Londres, construite en 2004 (et affectueusement surnommée le «cornichon»), est un autre exemple de gratte-ciel écologique, avez ses atriums distribués sur les étages, qui contribuent à la ventilation naturelle de l’édifice tout en offrant des lieux de rencontre. En réduisant la déflexion du vent, sa forme contribue à maintenir un environnement agréable au rez-de-chaussée, où une nouvelle place publique a été créée.
Un autre projet, plus modeste mais néanmoins important pour Foster + Partners, est celui du centre Maggie’s de Manchester, en Angleterre. Disséminés à travers la Grande-Bretagne et ailleurs, les centres Maggie’s sont des refuges pour personnes atteintes de cancer. Selon Maggie Keswick Jencks, qui les a fondés, l’architecture d’un lieu n’est pas anodine: elle a le pouvoir d’élever l’esprit et de contribuer à la guérison. À distance de marche d’une unité de pointe en oncologie, le centre de Manchester est situé dans un jardin, au bout d’une rue arborée. Bénéficiant d’un site ensoleillé, il combine des espaces variés pour la détente, pour les soins, pour l’exercice ou pour se rencontrer et partager une tasse de thé. Dans tous ces lieux, l’accent est mis sur la lumière du jour, la verdure et les vues sur les jardins.
Cette exposition, la dernière à se tenir sous la direction de Börkur Bergmann au Centre de design, fait le lien avec Montréal et le rêve géodésique, l’exposition présentée à l’automne 2017. «Norman Foster a été l’un des disciples les plus importants de Buckminster Fuller», remarque le professeur. On peut d’ailleurs visionner, dans une petite salle de l’expo, le film How much does your building weigh, Mr Foster?, intitulé d’après une question que Buckminster Fuller aurait posée à Norman Foster.
La plupart des maquettes réunies pour l’exposition ont été envoyées de Londres et de Hong Kong par les bureaux de Foster + Partners. Deux ont été réalisées à Montréal. La maquette du siège social de la compagnie d’assurance Willis Faber and Dumas, à Ipswich, a été construite par les étudiants de première année en design de l’environnement Claudelle Duval et Émile Dion, sous la supervision du professeur Carlo Carbone. Quant à la maquette de l’arbre, élément structural central de l’aéroport de Stansted, elle est l’œuvre de Mobilier Steelwork, un atelier montréalais fondé par Pierre-Luc Cyr, un ancien étudiant de l’École de design.
Pour chaque maquette, une coupe donne une idée de la hauteur du bâtiment. Comme chaque dessin a été réalisé à la même échelle de 1/100 et que la ligne du sol y est toujours située à la même hauteur, on peut ainsi visualiser chaque édifice par rapport aux autres. Sur la coupe du viaduc de Millau, les graphistes ont inséré l’image de la tour Eiffel, ce qui permet de comparer la hauteur de l’ouvrage à celle de la célèbre tour. Le design de l’exposition est l’oeuvre du chargé de projets Georges Labrecque (B.A. design de l’environnement, 1992), secondé par le professeur de l’École de design Louis-Charles Lasnier (B.A. design graphique, 1991) et par le designer Sébastien Daigle (M.A. design de l’environnement, 2015).
Un hommage mérité
Avec ses plateformes disposées de telle sorte qu’elles créent un parcours à travers les projets architecturaux présentés, la scénographie simple et épurée ajoute à la mise en valeur de l’exposition. Pour Georges Labrecque, dont le travail scénographique a largement contribué à établir la marque du Centre de design depuis ses débuts, ce projet a été une occasion extraordinaire de clore son parcours en beauté. En effet, après plus de 30 ans à coordonner les activités du Centre et des dizaines d’expositions, le chargé de projets du Centre de design prend sa retraite de l’UQAM ce printemps. Lors du vernissage de l’exposition, le 7 février dernier, Börkur Bergmann ainsi que la vice-rectrice à la Recherche et à la création, Catherine Mounier, lui ont rendu un hommage bien mérité.
L’exposition se poursuit jusqu’au 15 avril 2018.