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La LSQ, langue officielle?

Darren Saunders milite pour que la langue des signes québécoise soit reconnue comme langue officielle.

Par Pierre-Etienne Caza

12 novembre 2018 à 15 h 11

Mis à jour le 12 novembre 2018 à 15 h 11

 

Il existe quelque 140 langues des signes à l’échelle mondiale. «Une quarantaine ont été reconnues comme langues officielles dans les pays où elles ont vu le jour, mais aucune en Amérique du Nord jusqu’à maintenant», affirme, par l’entremise d’un interprète, Darren Saunders (M.A. linguistique, 2016). Le doctorant et chargé de cours en linguistique milite pour que la langue des signes québécoise (LSQ) soit reconnue comme langue officielle au Québec et au Canada. «Une telle reconnaissance donnerait à la communauté sourde accès à des services dignes de ce nom en toutes circonstances», précise-t-il.

Au Canada, les communautés sourdes anglophones utilisent la langue des signes américaine (ASL) et les francophones la LSQ. «Cela fait 30 ans que les sourds rejettent le terme “handicapés”, rappelle Darren Saunders. Nous nous percevons plutôt comme une minorité linguistique et notre cheval de bataille est l’accessibilité.»

À travers l’Association des sourds du Canada et la Société culturelle québécoise des sourds, la communauté sourde talonne le gouvernement fédéral, qui a déposé en juin dernier un projet de loi sur l’accessibilité. «On nous avait indiqué que la LSQ et l’ASL allaient y être reconnues, mais il n’y a rien dans le projet de loi en ce sens. Voilà pourquoi nous continuons à mettre de la pression sur les députés fédéraux», note le chargé de cours au certificat en interprétation visuelle.

Une reconnaissance à Ottawa faciliterait les démarches à Québec, estime Darren Saunders. Lors de la dernière campagne électorale, seul Québec solidaire a appuyé la reconnaissance officielle de la LSQ. «La nouvelle ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais (Ph.D. communication, 2005), est sensible à nos préoccupations puisqu’elle a consacré sa thèse à la culture sourde, fait-il remarquer. Nous sommes en contact avec elle, mais nous ne savons pas encore quelles sont les priorités du nouveau gouvernement.»

Des aménagements à géométrie variable

D’origine britannique, Darren Saunders est né de parents sourds et sa langue maternelle est la langue des signes britannique (BSL). Lors de son arrivée au Québec, en 2011, il était enchanté à l’idée d’apprendre la LSQ. «Je voulais également suivre un cours de perfectionnement en français écrit. Au ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles [NDLR: devenu depuis Immigration, Diversité et Inclusion], on m’avait dit qu’on allait vérifier les arrangements possibles avec un interprète, mais, six mois plus tard, on ne m’avait toujours pas donné de nouvelles à ce sujet…»

En l’absence d’une reconnaissance officielle de la LSQ (et de l’ASL), les ministères, fédéraux comme provinciaux, n’ont aucune obligation d’offrir des aménagements en matière de services publics. «Chacun bricole des mesures, en général lorsqu’un événement ou une annonce concerne directement la communauté sourde. Dans tous les autres cas de figure, c’est le néant», déplore Darren Saunders.

La situation n’est guère mieux en Angleterre ou en France, note Darren Saunders. «On consent des sommes pour des projets spécifiques, mais on ne se mouille pas sur le plan de la reconnaissance officielle.»

Il y a quelques années, le doctorant a demandé à ce que le rectorat de l’UQAM utilise des interprètes pour les allocutions officielles. «Les invitations pour ce type d’événement soulignent que tous sont les bienvenus, mais sans interprétation LSQ, ce n’est pas véritablement  le cas pour les étudiants, les employés et les professeurs sourds», observe le doctorant, qui applaudit les actions prises en ce sens par Magda Fusaro. Depuis le début de son mandat, la rectrice a fait appel à des interprètes en LSQ lors de chacun de ses discours officiels à la communauté universitaire, une pratique toutefois amorcée lors du précédent rectorat.

Au Québec, il y aurait environ 10 000 utilisateurs de la LSQ, laquelle s’est développée au contact de la LSF (France) et de l’ASL. «La LSQ reflète les particularités de la culture québécoise et sa reconnaissance officielle ne ferait que renforcer les échanges entre les membres de la communauté sourde et le reste de la société», conclut Darren Saunders.

Son sujet de thèse

Dans le cadre de sa thèse, le doctorant s’intéresse aux gestes naturels qui viennent complémenter les signes de la LSQ. «Vous utilisez des gestes pour imager vos propos quand vous parlez, souligne-t-il. Les sourds aussi font des gestes – plus même que les locuteurs en langue orale – pour imager les signes utilisés en LSQ et je m’intéresse à la façon dont ils se servent de ces gestes.»