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Pour un milieu de vie vert et en santé

Des étudiants présentent un plan d’aménagement pour reverdir un complexe de logements sociaux.

Par Valérie Martin

12 novembre 2019 à 16 h 11

Mis à jour le 12 novembre 2019 à 16 h 11

Une trentaine d’étudiants du cours Perspectives interdisciplinaires dans l’étude des problématiques environnementales (ENV 7000), un cours de deuxième cycle donné par les professeurs de sciences biologiques Tanya Handa et Alain Paquette, participent à un projet d’aménagement et de verdissement dans le quartier Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.

Le projet vise à doter les Habitations Le Domaine, un complexe de logements sociaux situé près du métro Langelier, d’un plan de réaménagement et de verdissement. «Le site est reconnu comme étant un îlot de chaleur, mais il a énormément de potentiel de transformation», dit Tanya Handa avec enthousiasme. Les étudiants inscrits à la maîtrise en sciences de l’environnement ont carte blanche pour réaliser leur projet, mené en collaboration avec le Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Montréal).

Les étudiants ont présenté, par équipe, un document synthèse dans lequel ils ont identifié différentes problématiques liées, par exemple, à la santé de la population ou à la biodiversité de la faune et de la flore, ainsi que des solutions pour y remédier. «Ils avaient pour objectif de créer un milieu de vie plus vert et en santé», précise Tanya Handa.

Pour pallier le problème créé par l’îlot de chaleur, les étudiants ont proposé, entre autres, l’ajout d’arbres, d’arbustes et autres herbacées autour du bâtiment, ce qui aurait pour effet d’ombrager le bâtiment et d’abaisser de quelques degrés la température des appartements en été. Implanter un potager pourrait aussi diminuer la chaleur tout en favorisant les relations entre les résidents. Pour rendre les lieux environnants plus sécuritaires, un meilleur éclairage de nuit et l’addition de passages piétons aux intersections pourraient réduire le risque d’accidents et le sentiment d’insécurité.

Milieux de vie vert et en santé

«On peut habiter différents milieux de vie. Il peut s’agir d’un espace vert près de chez soi, des arbres sur notre rue, d’un jardin communautaire où l’on récolte des légumes, d’un parc ou d’une ruelle verte où les enfants peuvent jouer ou du chemin pour se rendre à pied ou à vélo jusqu’au boulot, à l’école ou à la garderie», décrit Tanya Handa. Des milieux de vie verts contribuent à une meilleure santé physique et mentale et s’apparentent à une réduction du taux de mortalité, de cancer et de maladies respiratoires et rénales. Ces milieux verts ont aussi pour conséquence de réduire le stress, de favoriser l’activité physique et d’augmenter l’estime de soi des résidents. «Il est très important de développer des milieux de vie verts et sains dans les villes, puisque de plus en plus de personnes à l’échelle planétaire vivent en contexte urbain. C’est encore plus vrai dans les quartiers vulnérables», explique la chercheuse.

Un écosystème urbain doit être résilient, avance Tanya Handa. «Il peut ainsi s’autoréguler. Il a cette capacité de revenir à son état d’équilibre advenant des perturbations». Ce qui n’est pas le cas de la forêt urbaine montréalaise, trop peu diversifiée. «Montréal a perdu le quart de sa forêt en raison de l’agrile du frêne, illustre la chercheuse, qui s’intéresse à la biodiversité des sols urbains dans le cadre de ses recherches. Les citoyens vivant dans les quartiers où les frênes ont été abattus ont perdu les bienfaits associés à la présence des arbres. Il faudra des années avant de bénéficier de nouveau de leur présence.»

« «Il est très important de développer des milieux de vie verts et en santé dans les villes, puisque de plus en plus de personnes à l’échelle planétaire vivent en contexte urbain. C’est encore plus vrai dans les quartiers vulnérables.»

Tanya Handa,

Professeure au Département des sciences biologiques

Dans le plan d’aménagement des Habitations Le Domaine, les étudiants ont suggéré de planter une communauté d’arbres plus diversifiée, résistante aux changements climatiques, aux espèces envahissantes et à la pollution. Les frênes qui devront être abattus pourront être remplacés par d’autres espèces comme les épinettes, les ormes ou les ginkos. Des arbres fruitiers et des hôtels pour insectes pourraient attirer les pollinisateurs.

Un colloque et des visites de terrain

Pour guider les réflexions et inspirer les étudiants, Tanya Handa et son collègue Alain Paquette, accompagnés des membres du CRE-Montréal, ont organisé des visites de terrain dans l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, au cours desquelles les étudiants ont pu prendre connaissance de deux projets écoéducatifs, soit une ruelle verte et un projet d’agriculture urbaine. Intitulé Harmonie, ce dernier a permis de convertir un ancien stationnement délabré en jardin potager. Il sert aujourd’hui d’espace de sensibilisation environnementale, de lieu de socialisation et de jeux sécuritaire pour les enfants. «Ces projets de verdissement ont d’énormes retombées sur la population environnante, puisque ils créent une véritable cohésion sociale, explique Tanya Handa. Les voisins se partagent un lieu commun et s’entraident.»

Les étudiants ont aussi été invités à participer au colloque interdisciplinaire Milieux de vie verts et en santé, tenu le 24 octobre dernier. Organisé par l’Institut des sciences de l’environnement et le CRE, l’événement a réuni une soixantaine de personnes, dont plusieurs experts provenant de différents domaines de recherche et des professionnels œuvrant en environnement et en aménagement du territoire. Des conférenciers ont pris la parole, dont les professeurs Yves Baudoin, du Département de géographie, un expert des îlots de chaleur, Alain Paquette, spécialiste de la forêt urbaine, Johanne Saint-Charles, du Département de communication sociale et publique, qui s’intéresse aux inégalités sociales, Sophie Paquin, du Département d’études urbaines et touristiques, une spécialiste de l’urbanisme favorable à la santé et du développement social urbain, et Florent Barbecot, du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, qui s’intéresse aux liens entre l’eau et l’environnement. Tanya Handa et la conseillère scientifique de l’Institut national de santé publique du Québec Mélanie Beaudoin faisaient aussi partie des conférenciers.  

« «Ces projets de verdissement ont d’énormes retombées sur la population environnante, puisque ils créent une véritable cohésion sociale. Les voisins se partagent un lieu commun et s’entraident.» »

Tanya Handa,

Professeure au Département des sciences biologiques

L’atelier collaboratif qui a suivi a permis aux étudiants d’échanger avec les experts tout en réfléchissant aux défis et aux enjeux de l’interdisciplinarité dans la mise en place de projets d’aménagement favorables à la santé et à l’environnement. Les étudiants ont pu exprimer leurs idées et confirmer ou infirmer leurs hypothèses auprès des experts.

L’interdisciplinarité pour sauver la planète?

Selon Tanya Handa, ce processus de réflexions qui vise à regrouper autour d’une table des experts provenant de plusieurs domaines d’expertise afin de trouver des solutions aux enjeux environnementaux de l’heure est aujourd’hui la norme, et ce, à l’échelle mondiale. «C’est aussi l’approche de l’Institut des sciences de l’environnement et celle que nous préconisons dans le cours ENV 7000. C’est un cours qui est toujours donné par un tandem de professeurs afin d’exposer aux étudiants divers points de vue sur une même problématique», dit la chercheuse.

Après avoir participé à l’événement, les membres du CRE ont eu l’idée de développer un document dans lequel ils présenteraient les lignes directrices d’un tel processus d’échanges. «Ceci afin d’en faire un exemple de processus d’interdisciplinarité  exportable à l’échelle du Canada, annonce Tanya Handa. C’est super que l’approche mise de l’avant à l’ISE et dans le cadre du programme de maîtrise en sciences de l’environnement puisse inspirer les professionnels.»