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Habitudes de vie et rendement scolaire

Marie-Maude Dubuc démontre que le temps d’écran et la pratique d’activités physiques sont des facteurs déterminants de la réussite.

Série

Doc en poche

Par Jean-François Ducharme

23 novembre 2020 à 16 h 11

Mis à jour le 23 novembre 2020 à 16 h 11

Série Doc en poche
Armés de leur doctorat, les diplômés de l’UQAM sont des vecteurs de changement dans leur domaine respectif.

 

Marie-Maude Dubuc. Photo: Nathalie St-Pierre

Marie-Maude Dubuc (Ph.D. biologie, 2020)

Titre de sa thèse: «Influence des fonctions cognitives, des facteurs physiques, psychologiques, sociologiques et des habitudes de vie sur le rendement scolaire des élèves du secondaire: une étude longitudinale»

Direction de recherche:
Antony Karelis, professeur au Département des sciences de l’activité physique

Mylène Aubertin, professeure au Département des sciences de l’activité physique

Enjeu social: la réussite scolaire des élèves du secondaire

Durant trois ans, Marie-Maude Dubuc a suivi 185 élèves d’une école secondaire publique francophone de Montréal: les plus jeunes ont participé à l’étude de la première à la troisième secondaire, les plus vieux, de la troisième à la cinquième secondaire. L’objectif de sa thèse doctorale était de mesurer l’importance relative des facteurs cognitifs, physiques, psychologiques, sociologiques et des habitudes de vie sur le rendement scolaire. Les caractéristiques physiques – composition corporelle, condition physique – et les fonctions cognitives, comme la mémoire de travail, la capacité d’attention et d’inhibition, étaient mesurés une fois par année à l’aide de tests. Les autres facteurs, comme les habitudes de vie, la situation familiale et les influences culturelles, l’estime de soi, l’anxiété et la motivation face à l’école, étaient évalués à l’aide de questionnaires.

«Plusieurs recherches avaient étudié en silo chacun des facteurs que j’ai considérés, mais aucune n’avait dressé un portrait global de la situation, mentionne la doctorante. Considérant l’importance des notes au secondaire, notamment pour le choix du programme collégial et pour l’obtention de bourses, avoir une meilleure compréhension des différents facteurs me semblait crucial, autant pour les décideurs politiques et les intervenants du milieu que pour les élèves et leurs parents.»

«Plus de temps devant un écran entraîne une baisse des notes.»

Marie-Maude Dubuc,

Diplômée du doctorat en biologie

Une constante se dégage de ses résultats: le temps d’écran et la pratique d’activités physiques ont un impact majeur sur le rendement scolaire. «Plus de temps devant un écran entraîne une baisse des notes, précise Marie-Maude Dubuc. À l’inverse, une meilleure condition physique est liée à de meilleurs résultats.» 

Le temps d’écran a une importance particulièrement grande chez les filles. Le temps passé sur le cellulaire se classe au premier rang parmi les facteurs ayant le plus d’impact sur la variation de leur moyenne générale. Le temps passé devant la télévision, au deuxième. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, une hausse marquée du temps d’écran la fin de semaine est autant, voire davantage dommageable que durant la semaine. «S’il y a un décalage important entre de bonnes habitudes la semaine et de moins bonnes la fin de semaine, l’impact sur les notes est marqué», note la doctorante.

Le temps d’écran a aussi un impact chez les garçons, mais ses effets sont plus ciblés. «Nos résultats démontrent qu’une plus grande utilisation des jeux vidéo nuit à l’apprentissage des mathématiques, mais on ne retrouve pas cette corrélation avec les autres matières.»

La pratique d’activités physiques est aussi un facteur majeur dans la réussite scolaire, peu importe le sexe. Chez les garçons, faire partie d’une équipe sportive est le facteur le plus important, et par une très forte marge!

La pratique d’activités physiques est aussi un facteur majeur dans la réussite scolaire, peu importe le sexe. Chez les garçons, faire partie d’une équipe sportive est le facteur le plus important, et par une très forte marge! La capacité cardiovasculaire maximale (VO2 max) – signe d’une bonne forme physique – arrive au troisième rang. Chez les filles, le VO2 max est l’un des quatre principaux facteurs qui font augmenter leur moyenne générale.

Marie-Maude Dubuc mentionne que d’autres facteurs reliés à de saines habitudes de vie, comme le sommeil et l’alimentation, sont aussi des prédicteurs de bons résultats scolaires. «Dans le cas du sommeil, c’est moins le nombre d’heures par jour, variable d’une personne à l’autre, qui a un impact, mais plutôt le décalage entre les habitudes la semaine et la fin de semaine. Par exemple, les élèves qui se couchaient à 22 h la semaine et après minuit la fin de semaine avaient de moins bonnes notes que ceux et celles qui avaient des heures de sommeil plus régulières.»

Selon la chercheuse, plusieurs actions pourraient être entreprises pour améliorer le rendement scolaire. «L’un des trois volets du cours d’éducation physique et à la santé aborde l’importance des saines habitudes de vie, mais on y consacre très peu de temps – le tiers de 75 minutes par semaine, dit-elle. Accorder une plus grande importance à l’éducation à la santé aurait des impacts positifs dans les autres matières.» Elle propose aussi que des campagnes de sensibilisation visant à diminuer le temps d’écran et à améliorer la santé cardiorespiratoire des élèves soient mises en place.

Réaliste, Marie-Maude Dubuc ne pense pas que son étude va modifier les politiques publiques du jour au lendemain. «Mais si d’autres études vont dans le même sens que la mienne, peut-être que cela influencera les décideurs», espère-t-elle.