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Dans le secret des laboratoires

Les élèves du secondaire étaient invités à visiter les installations des professeurs Benoît Barbeau, Denis Archambault et Steve Bourgault.

Par Pierre-Etienne Caza

14 mai 2021 à 9 h 05

Mis à jour le 17 mai 2021 à 10 h 05

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Toutes les nouvelles entourant la COVID-19 et les analyses des experts sur la crise sont réunies dans cette série.

Le professeur Benoît Barbeau nous fait visiter son laboratoire de niveau de confinement 2, où il travaille habituellement sur le VIH. Depuis un an, il a réorienté ses recherches afin d’identifier des inhibiteurs qui pourront, l’espère-t-il, bloquer l’infection virale par le SARS-CoV-2.Photo: Nathalie St-Pierre

Que se passe-t-il dans les laboratoires où des équipes sont à la recherche d’un traitement ou d’un nouveau vaccin contre la COVID-19 ? C’est ce qu’ont dévoilé ces équipes en ouvrant les portes de leurs laboratoires à des élèves du secondaire le 13 mai dernier.

Organisée par le Cœur des sciences, cette visite virtuelle était offerte dans le cadre de l’Odyssée des sciences, une activité du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) qui se déroule du 1er au 16 mai.

«Plus de 9000 élèves et leurs enseignants suivent la visite en direct ou en différé», s’est réjouie Stéphan Chaix, directrice du Cœur des sciences, qui a tenu à remercier les professeurs Benoît Barbeau, virologue, Denis Archambault, immunologiste et virologue, et Steve Bourgault, biochimiste, ainsi que leurs équipes respectives «de travailler si fort pour que l’on puisse tous et toutes sortir de cette pandémie».

La recherche d’un traitement

La visite s’amorce avec Benoît Barbeau que l’on aperçoit derrière une vitre, dans l’antichambre de son laboratoire sécurisé. Tout en enfilant une paire de gants, des couvre-chaussures, un chapeau, une blouse chirurgicale et une deuxième paire de gants, il nous explique que son laboratoire de niveau de confinement 2 lui permet de travailler sur des virus comme le VIH. 

Benoît Barbeau ouvre le contenant d’azote liquide où sont entreposées les cellules qu’il utilise dans le cadre de ses recherches.Photo: Nathalie St-Pierre

Le professeur Barbeau, qui est intervenu à plusieurs reprises dans les médias au cours de la dernière année afin d’expliquer le fonctionnement du virus de la COVID-19, a réorienté ses recherches afin d’identifier des inhibiteurs qui pourront, l’espère-t-il, bloquer l’infection virale par le SARS-CoV-2. 

«Nous utilisons une reproduction du virus du VIH sur la surface duquel nous venons déposer la protéine Spike (S), qui permet au SARS-CoV-2 d’infecter les cellules de notre organisme, explique-t-il. Nous pouvons donc infecter des cellules par le même mécanisme que la COVID-19. Cela nous permet de tester des molécules, des composés et des anticorps pour voir s’ils sont capables de bloquer la capacité de ces virus chimériques d’infecter les autres cellules.»

Benoît Barbeau présente ensuite les appareils et équipements utilisés dans son labo: plusieurs congélateurs, des bonbonnes d’azote liquide pour conserver les cellules, différents types de centrifugeuses pour préparer les virus, des microscopes ainsi qu’un appareil de transfection permettant d’introduire de l’ADN dans les cellules étudiées. 

Il met sa visière et des gants spéciaux pour ouvrir le contenant d’azote liquide et montrer comment fonctionne l’entreposage des cellules. «Nous les conservons dans l’azote liquide pour stopper leur croissance sans les endommager», explique-t-il.

Benoît Barbeau procède au changement du liquide contenant les nutriments qui assurent la croissance des cellules. 
Photo: Nathalie St-Pierre

Dans l’incubateur à cellules, Benoît Barbeau retire ensuite des cellules embryonnaires de rein, les 293T – «souvent utilisées pour la production de vaccin, car on connaît bien leurs propriétés», précise-t-il – et il se rend à l’enceinte de sécurité biologique pour nous démontrer comment on change le liquide (contenant des nutriments) qui assure la croissance des cellules. Il indique ensuite sur l’écran d’un ordinateur les cellules telles qu’elles apparaissent dans un microscope.

Le développement d’un vaccin

La deuxième partie de la visite s’effectue dans les laboratoires des professeurs Denis Archambault et Steve Bourgault en compagnie de leurs étudiants. «Depuis plus d’un an, l’UQAM est engagée activement dans le recherche contre la COVID-19, incluant entre autres une subvention des Instituts de recherche en Santé du Canada (IRSC) obtenue en juin dernier par Denis Archambault pour développer un nanovaccin contre le virus SARS-CoV-2. Nous nous intéressons au développement de vaccins à base de protéines», explique Steve Bourgault.

Dans son laboratoire, le professeur Steve Bourgault s’intéresse au développement de vaccins à base de protéines.
Photo: Nathalie St-Pierre

L’objectif d’un vaccin, rappelle le biochimiste, est de stimuler le système immunitaire afin que celui-ci reconnaisse un virus et s’en débarrasse rapidement en cas d’infection. «Les vaccins pour la COVID-19 ciblent principalement la protéine Spike (S) que l’on retrouve à la surface du virus et qui lui permet de s’accrocher aux cellules et de les infecter.»

La stratégie des vaccins actuels est de livrer la protéine Spike à l’intérieur de l’organisme, qui développera ensuite des anticorps pouvant lutter contre le virus. Comment acheminer une protéine à l’intérieur d’un organisme? «Les vaccins actuels envoient le code de la protéine S à nos cellules, qui peuvent ainsi la produire et susciter la production d’anticorps», explique le chercheur. 

Pourquoi ne pas acheminer directement la protéine S dans notre organisme plutôt que son code ? «Les protéines seules se dégradent rapidement et n’induisent pas une forte réponse immunitaire à long terme, répond Steve Bourgault. Voilà pourquoi on doit ajouter un adjuvant dans les vaccins à base de protéines. C’est ce que nous faisons dans nos laboratoires, Denis Archambault et moi. Nous travaillons sur la production d’une protéine à deux têtes : la protéine S du virus SARS-CoV-2, fusionnée à une protéine avec des propriétés adjuvantes, c’est-à-dire des propriétés de stimulation du système immunitaire. Nous assemblons cette protéine chimérique en nanoparticules qui ont à peu près la taille du virus.»

Le candidat à la maîtrise en biochimie Félix Lamontagne explique la façon dont on insère une protéine dans une cellule.Photo: Nathalie St-Pierre

Steve Bourgault nous invite ensuite dans leurs laboratoires pour voir comment on fabrique les protéines et comment on étudie leurs propriétés physiques et biologiques. On rencontre le candidat à la maîtrise en biochimie Félix Lamontagne, qui travaille sous la direction de Denis Archambault. Il nous explique deux processus de production de protéines en laboratoire, ainsi que la façon dont on insère une protéine dans une cellule. 

Une fois la protéine chimérique obtenue, la candidate à la maîtrise en biochimie Mélanie Côté-Cyr en teste la qualité dans le laboratoire de caractérisation. Sur un écran d’ordinateur, la jeune chercheuse, qui travaille sous la codirection de Denis Archambault, montre les images du vaccin que l’on aperçoit sous forme de tiges.

La candidate à la maîtrise en biochimie Salma Bricha observe au microscope l’interaction entre le nouveau vaccin et les cellules du système immunitaire.
Photo: Nathalie St-Pierre

Il reste maintenant à voir comment se comporte ce nouveau vaccin avec des cellules du système immunitaire. Sous la hotte stérile, la candidate à la maîtrise en biochimie Salma Bricha, qui travaille également sous la codirection de Denis Archambault, prend le vaccin à l’aide d’une pipette et l’ajoute à des cellules immunitaires. Elle remet les cellules dans l’incubateur le temps de la réaction, qui prend généralement plusieurs minutes. Pour les besoins de la démonstration, elle montre des images d’une manipulation déjà aboutie. Grâce à des colorants, on aperçoit l’intérieur de la cellule, son pourtour et le vaccin. «Notre vaccin peut passer à l’étape suivante s’il se trouve à l’intérieur de la membrane de la cellule, comme c’est le cas sur l’image», note-t-elle. Cette prochaine étape, c’est celle des essais précliniques sur d’autres groupes de cellules ou sur des animaux.  

La visite terminée, les élèves ont posé des questions aux professeurs Barbeau et Bourgault, qui se sont fait un plaisir d’y répondre. 

Il est possible de visionner la visite sur la chaîne YouTube du Cœur des sciences.