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Élargir la conception de la citoyenneté

La doctorante en histoire Ariane Godbout reçoit un soutien des Fonds de recherche du Québec pour créer des capsules vidéo.

Par Claude Gauvreau

25 mai 2021 à 10 h 05

Mis à jour le 25 mai 2021 à 10 h 05

Anonyme, Brissot et 20 de ses complices condamnés à mort par le tribunal révolutionnaire, 1793, Paris, Musée Carnavalet.

La doctorante en histoire Ariane Godbout a lancé récemment une série de capsules vidéo et un balado sur le thème «Perspectives citoyennes». Pour réaliser ce projet, l’étudiante a obtenu une subvention des Fonds de recherche du Québec dans le cadre du programme Dialogue (volet étudiant), qui appuie l’engagement de chercheuses et de chercheurs universitaires dans des activités de communication après du grand public. Elle a également reçu un soutien de la part du Groupe de recherche en histoire des sociabilités (GRHS) de l’UQAM.

«Ce projet veut contribuer à élargir notre conception de la citoyenneté, à repenser les bases de notre implication dans l’espace public et à explorer différentes manières de se politiser, explique Ariane Godbout. Ces besoins urgents sont mis en lumière par la perte de confiance des citoyens envers les institutions et leurs représentants, par les enjeux mondialisés que sont les changements climatiques et la pandémie de Covid-19 ainsi que par les tensions engendrées par les politiques d’immigration.»

L’objectif de «Perspectives citoyennes» est de produire au cours de l’année 12 capsules vidéo d’une durée de 30 minutes environ qui, au moyen d’entrevues, donneront la parole tant à des chercheurs universitaires d’ici et d’ailleurs qu’à des représentants d’organisations de la société civile. «Variant les échelles temporelles et géographiques, les capsules seront axées sur des réflexions concernant l’évolution de la notion de citoyenneté et les initiatives citoyennes en vue de s’approprier l’espace public», précise la doctorante. Les entrevues aborderont un large éventail de sujets, comme la figure de l’étranger au Québec, l’éducation à la citoyenneté auprès des jeunes, le fonctionnement du système électoral américain et le rôle des étudiants universitaires dans la société médiévale.

Le balado approfondira les sujets et complétera les capsules vidéo, lesquelles seront disponibles sur le site web du GRHS ainsi que sur une page Facebook actuellement en construction.

Une capsule a été mise en ligne jusqu’à présent, soit une entrevue avec Nathan Murray, doctorant en histoire à l’Université Laval et à l’Université Paris Nanterre, sur le thème «Être citoyen dans la Rome républicaine». «La capsule, dit Ariane Godbout, permet de répondre à différentes questions. Qui étaient ces citoyens romains? En quoi leur statut les différenciait de tous ceux et celles – étrangers, femmes, esclaves – qui ne bénéficiaient pas de la citoyenneté? Et comment le concept de citoyenneté a-t-il évolué dans la longue histoire de Rome?»

Le projet de thèse de la jeune chercheuse, mené sous la codirection du professeur du Département d’histoire Pascal Bastien, directeur du GRHS, porte sur les pratiques et les conceptions de la citoyenneté dans la ville de La Rochelle, en France, au début du 17e siècle. «Avant mes études de doctorat à l’UQAM, j’ai travaillé quelques années à titre de conseillère au programme pédagogique de l’Assemblée nationale du Québec, rappelle Ariane Godbout. Ce programme est axé sur l’éducation à la citoyenneté, un thème qui me tient à cœur, tout comme la vulgarisation en histoire.»

Rompre avec la vision traditionnelle de la citoyenneté

La doctorante estime qu’il faut rompre avec la vision traditionnelle de la citoyenneté, laquelle est envisagée dans le cadre de l’État-nation. «Selon cette vision étroite, un individu devient un citoyen à partir du moment où il obtient une reconnaissance juridique au sein d’un État, ce qui lui permet d’avoir un passeport et d’exercer son droit de vote à tous les quatre ans.»

De plus, poursuit, Ariane Godbout, «même s’il ne s’agit pas de clamer la mort de l’État-nation, on se rend compte que les États deviennent de moins en moins outillés pour faire face à des enjeux mondiaux, comme ceux de la crise climatique et de la crise sanitaire, qui dépassent largement leur sphère d’influence.» Sans compter les vagues migratoires venant questionner les cadres identitaires traditionnels et mettant les États au défi d’intégrer de nouveaux arrivants qui parlent une langue et partagent des valeurs différentes.

La parole des élus en crise

La méfiance envers les institutions, notamment à l’égard de la parole des élus, est un autre phénomène important qui milite en faveur d’une mobilisation de la capacité d’action des citoyens. «Le principal symptôme de cette méfiance, c’est la chute radicale, depuis 40 ans, des taux de participation électorale», observe la doctorante, qui défend la nécessité d’établir dans la société civile des mécanismes favorisant la participation et la concertation citoyennes. «Sinon, les gens se tourneront vers des leaders populistes, comme on l’a vu aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine.»

Par ailleurs, on a assisté depuis la crise financière de 2008 à des mobilisations populaires, comme le mouvement des indignés en Grèce et en Espagne, le mouvement Occupy aux États-Unis et, plus récemment, celui des Gilets jaunes en France, qui réclamaient une démocratie plus participative, tout en imposant le thème des inégalités sociales et économiques dans le débat public. «Ces mouvements citoyens ont non seulement montré que la société civile exige que les politiciens rendent des comptes, mais aussi qu’elle est en quête de plus de pouvoir», indique Ariane Godbout.

Le concept de citoyenneté est un concept large, englobant, qui s’applique à toutes les époques, remarque la doctorante. «Il constitue une porte d’entrée pour explorer une variété d’enjeux actuels, associés notamment à la démocratie, aux identités individuelles et collectives, et à l’engagement des individus dans la sphère publique.»