Voir plus
Voir moins

Santé au travail : deux poids, deux mesures

Par Pierre-Etienne Caza

31 octobre 2012 à 0 h 10

Mis à jour le 17 septembre 2014 à 19 h 09

«Plusieurs études démontrent que les jeunes qui arrivent sur le marché du travail se blessent énormément», souligne Céline Chatigny. Spécialiste de la formation professionnelle et de la santé au travail, la professeure du Département d’éducation et formation spécialisées a mené une recherche portant sur la santé des élèves qui apprennent un métier dans un centre de formation professionnelle. Les résultats ont donné lieu à un article – «Health and safety of students in vocational training in Quebec : a gender issue» – publié dans la revue Work, en collaboration avec la doctorante en éducation Jessica Riel et le candidat à la maîtrise en kinanthropologie Livann Nadon.

«Une entente existe entre la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) afin d’aborder la question de la santé au travail dans la formation professionnelle et dans les centres de formation professionnelle. Mais qu’en est-il réellement sur le terrain? C’est ce que nous avons voulu explorer», explique Céline Chatigny, membre du Centre de recherche interdisciplinaire sur la biologie, la santé, la société et l’environnement (CINBIOSE) et du collectif interdisciplinaire L’invisible qui fait mal sur la santé des travailleuses.

Deux univers différents

«Nous avons constaté qu’on fait de la prévention dans certains programmes visés par la CSST, comme l’électromécanique de systèmes, mais qu’en coiffure, où l’on trouve d’importants problèmes musculosquelettiques, les enseignants et les élèves n’ont pas de soutien pour la prévention», révèle la chercheuse.

En électromécanique de systèmes, les élèves apprennent que l’employeur a des responsabilités et des obligations en matière de santé et de sécurité au travail (SST), qu’il ne s’agit pas uniquement de responsabilités individuelles, note Céline Chatigny. «Les élèves jugent toutefois que leurs conditions d’apprentissage sont nettement supérieures à ce qu’ils vont rencontrer dans l’industrie en matière de SST. Ils sont inquiets, car ils craignent de ne pas savoir comment agir si leur futur employeur est trop laxiste à cet égard.»

Contrairement à ce qui se passe du côté de leurs confrères masculins, les conditions d’apprentissage des élèves en coiffure sont pires que dans les salons où elles travailleront plus tard. Le résultat : elles souffrent déjà d’atteintes musculosquelettiques avant même d’obtenir leur diplôme. «Elles ont peur de voir leur santé péricliter rapidement lors de leur entrée sur le marché du travail, note la professeure. Bien sûr, les élèves apprennent à tenir leur poste de travail rangé et à faire attention à leur posture, mais elles ne remettent jamais en question les façons de faire de leur milieu, où les syndicats n’existent pas.»

Incontournable partenariat

Cette recherche a été développée à l’initiative de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), en collaboration avec la CSST et le MELS. La Fédération des commissions scolaires et l’Institut national de santé publique se sont joints à l’étude, financée par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité au travail, le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FQRSC) et le Service aux collectivités de l’UQAM (grâce à des fonds de la CSQ). «La collaboration avec tous ces partenaires est précieuse, car ils nous permettent d’accéder aux milieux de travail et d’aborder des sujets complexes, souvent tabous», conclut Céline Chatigny, qui travaille actuellement avec ses partenaires sociaux pour diffuser les résultats de sa recherche et élaborer des pistes de travail.