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Sciences au cœur de la ville

Le Complexe des sciences a nourri le sentiment d’appartenance à la Faculté et contribué à développer la culture scientifique montréalaise.

Par Claude Gauvreau

12 avril 2015 à 14 h 04

Mis à jour le 1 mai 2019 à 14 h 05

Série Cinquante ans d’histoire
L’UQAM, qui célèbre son 50e anniversaire en 2019-2020, a déjà beaucoup d’histoires à raconter. La plupart des textes de cette série ont été originalement publiés de 2006 à 2017 dans le magazine Inter. Des notes de mise à jour ont été ajoutées à l’occasion de leur rediffusion dans le cadre du cinquantième.

Vue du campus à la fin des travaux d’aménagement des jardins, en 2006. Photo: Claude Cormier et associés

Le 28 novembre 2005, l’UQAM inaugure le Complexe des sciences Pierre-Dansereau. Le professeur émérite qui a donné son nom au complexe, père de l’écologie au Québec, est présent. C’est un moment important dans l’histoire des sciences à l’UQAM. Enfin, tous les départements scientifiques sont réunis dans un même lieu. Le plan d’ensemble s’inspire des campus américains, où les espaces verts pénètrent les masses architecturales. Où que l’on soit, le regard croise un jardin. Et le piéton est roi et maître, car les voitures n’y pénètrent pas. Cela permet aux étudiants et aux professeurs de circuler d’un bâtiment à l’autre et du campus à la ville.

Situé en plein centre-ville, dans un quadrilatère ceinturé par l’avenue du Président-Kennedy au sud, la rue Sherbrooke au nord, ainsi que par les rues Saint-Urbain et Jeanne-Mance, à l’est et à l’ouest, le Complexe des sciences, dont la construction s’est échelonnée entre 1993 et 2005, compte cinq pavillons – Chimie et Biochimie, Président-Kennedy, Sherbrooke, Sciences biologiques et Adrien-Pinard –, un centre de diffusion et de vulgarisation scientifique – le Cœur des sciences –, et des résidences universitaires. Près de 4 000 étudiants et plus de 400 professeurs, chargés de cours et employés de soutien le fréquentent, sans compter le grand public.

Le projet de s’engager dans la construction du complexe est né au milieu des années 1980, rappelle la professeure associée Florence Junca-Adenot, du Département d’études urbaines et touristiques, qui occupait à l’époque le poste de vice-rectrice à l’administration et aux finances de l’Université. «La direction de l’UQAM m’avait confié le mandat de planifier le développement d’un campus scientifique intégré, explique-t-elle. Pour les professeurs, étudiants et employés en sciences, un tel campus représentait l’espoir de disposer enfin d’infrastructures modernes et fonctionnelles, adaptées à l’évolution de leurs disciplines scientifiques et créant un milieu de vie et d’études stimulant.»

Des débuts modestes

Les sciences à l’UQAM ont connu des débuts modestes. Peu après la création de l’Université, le secteur des sciences est hébergé dans deux bâtiments adjacents, sur la rue Saint-Alexandre, au sud de Sainte-Catherine. L’édifice Émile-Gérard, acquis de l’ancien Collège Sainte-Marie, est alors intégré à une nouvelle construction. En 1971, ces deux bâtiments constituent le «pavillon des Sciences». Au cours des années suivantes, le développement du secteur des sciences force l’Université à louer des espaces supplémentaires dans deux édifices situés en périphérie du noyau originel: le pavillon Carré-Phillips, sur la place du même nom, et le pavillon Sainte-Catherine Ouest, près du magasin La Baie.

«Les départements et les laboratoires des sciences biologiques, de chimie et des sciences de la Terre étaient réunis dans le pavillon de la rue Saint-Alexandre, lequel côtoyait des manufactures de vêtements, se souvient Jean-François Giroux, professeur au Département des sciences biologiques. Celui du Carré-Phillips regroupait les départements de mathématiques, d’informatique et de physique, tandis que le pavillon sur Sainte-Catherine abritait principalement des salles de classe. C’était ça, le “campus” des sciences, dans les années 70 et 80.»

Son collègue Enrico Torlaschi [M.Sc. sciences de l’atmosphère, 1983], vice-doyen à la recherche et professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère [aujourd’hui retraité], se rappelle l’ancienne manufacture dans laquelle était logé le pavillon Carré-Philips. «Malgré les travaux de rénovation, la ventilation demeurait inadéquate, dit-il. À certains endroits, on grelottait l’hiver et on crevait de chaleur l’été.»

Avec l’augmentation progressive du nombre d’étudiants et de professeurs, les locaux devenaient de plus en plus exigus. «Les gens de chimie ont été parmi les premiers à exiger d’être relocalisés parce qu’ils estimaient que les locaux du pavillon sur Saint-Alexandre n’étaient plus sécuritaires pour abriter leurs laboratoires», raconte Jean-François Giroux.

L’urgence d’agir

Au tournant des années 1990, le secteur des sciences, formé des départements de chimie, sciences biologiques, sciences de la Terre, mathématiques, informatique et physique, ainsi que de l’Institut des sciences de l’environnement, rassemble déjà quelques milliers d’étudiants, de professeurs et d’employés. Les espaces et les infrastructures du vieux pavillon des Sciences entravent le développement des laboratoires, qui demandent des installations mécaniques et électriques permettant l’alimentation en gaz ainsi que le traitement et l’évacuation de l’air et de l’eau contaminés. «Il fallait agir. Le secteur des sciences était celui qui connaissait la plus forte croissance, rappelle Florence Junca-Adenot. Les sciences biologiques et les sciences de l’environnement, notamment, étaient en pleine expansion.»

Le seul terrain capable d’accueillir un complexe des sciences à proximité du campus central était situé au nord de la Place des Arts. «Ce site avait d’abord été prévu pour accueillir le siège social d’Hydro-Québec, dit l’ex-vice-rectrice. Mais les autorités gouvernementales ont accepté qu’il soit cédé à l’UQAM et que l’on y construise, par étapes, un complexe scientifique.» 

Un joyau architectural

L’ancienne École technique de Montréal, rue Sherbrooke, a abrité l’École de design de l’UQAM avant d’être intégrée au Complexe des sciences. Les travaux de restauration de cet édifice de style beaux-arts, menés en 1996, ont été récompensés par un prix Orange de l’organisme Sauvons Montréal.Photo: Nathalie St-Pierre

Au nord de ce site, sur Sherbrooke, l’UQAM possède déjà un joyau architectural dont elle a fait l’acquisition dans les années 1970. Cet édifice patrimonial de style beaux-arts, construit entre 1909 et 1911, a abrité l’École technique de Montréal, devenue en 1958 l’Institut de technologie de Montréal. Durant la première moitié du XXe siècle, l’École a formé à la fois des ouvriers et de futurs cadres d’entreprises. Des ornements représentant les disciplines qui y étaient enseignées, la mécanique et l’électricité notamment, recouvrent d’ailleurs les portes de l’édifice. Plusieurs élèves issus des classes populaires l’ont fréquenté, dont le mythique Maurice Richard, qui aspirait à être mécanicien avant de devenir le plus grand hockeyeur de son temps.

«En choisissant de construire son Complexe des sciences à proximité de la Place des Arts, l’UQAM voulait aussi contribuer à la restructuration du tissu urbain dans le centre-ville de Montréal»

Florence Junca-Adenot,

professeure associée au Département d’études urbaines et touristiques

Depuis 1974, l’École de design, qui regroupe au début une douzaine de professeurs – graphistes, architectes ou designers –, loge dans les locaux du bâtiment et de ses annexes, les anciens ateliers de l’École technique. Son déménagement en 1995 dans le nouveau pavillon de Design, rattaché au campus central, permettra de récupérer l’édifice et de l’intégrer au futur Complexe des sciences. Des travaux de restauration effectués à la fin de 1996, récompensés deux ans plus tard par un prix Orange de l’organisme Sauvons Montréal, lui redonnent son lustre d’origine. Devenu le pavillon Sherbrooke, l’édifice loge aujourd’hui le décanat de la Faculté des sciences [le décanat est déménagé depuis depuis au pavillon Président-Kennedy], des associations étudiantes, un amphithéâtre et une salle polyvalente.

Vue aérienne du pavillon Sherbrooke et du site du futur Complexe des sciences en 1992. Photo: Martin Brault, archives UQAM

Entre 1993 et 1995, l’UQAM fait construire le pavillon Chimie et Biochimie sur l’avenue Jeanne-Mance, puis l’imposant pavillon Président-Kennedy (PK), surnommé le «bateau» à cause de sa forme ovale, entre 1996 et 1998. Comptant sept étages et 198 locaux, dont plus de 90 laboratoires, le pavillon de Chimie et Biochimie est relié au pavillon Sherbrooke et au PK. Il rassemble le Département de chimie et divers groupes et chaires de recherche. Son voisin regroupe tous les départements autres que ceux de sciences biologiques et chimie, ainsi que l’Institut des sciences de l’environnement, l’Institut des sciences mathématiques et une librairie. En 1998, Sauvons Montréal décerne un prix Orange au PK.

Restructurer le tissu urbain

«En choisissant de construire son Complexe des sciences à proximité de la Place des Arts, l’UQAM voulait aussi contribuer à la restructuration du tissu urbain dans le centre-ville de Montréal, lequel avait été disloqué à la suite des démolitions des décennies précédentes, observe Florence Junca-Adenot. En partenariat avec les institutions et établissements commerciaux du secteur, nous visions à stopper l’hémorragie du quartier, à renforcer son caractère culturel et à préserver son patrimoine bâti.»

L’Université souhaitait créer une sorte de village urbain, un milieu qui préserve le caractère patrimonial de l’ancienne École technique. C’est pourquoi l’UQAM a conservé les annexes de l’École, au sud du pavillon Sherbrooke. La chaufferie, la fonderie, la cheminée et les anciens ateliers ont été rénovés pour accueillir le Cœur des sciences et la bibliothèque des sciences. La petite église Saint-Jean-l’Évangéliste, qui continue d’accueillir des fidèles sous son toit rouge, a aussi été préservée.

«La présence d’un campus disposant de bâtiments et d’infrastructures modernes exerce un attrait particulier auprès des étudiants. Même si beaucoup de gens associent encore l’UQAM aux sciences sociales et humaines, il est de plus en plus difficile d’ignorer qu’il s’y fait aussi de la science, et de la très bonne science.»

Enrico Torlaschi,

vice-doyen à la recherche et professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère

Les nouveaux bâtiments devaient par ailleurs s’adapter au langage architectural propre à chaque rue, sans mimétisme et selon une approche contemporaine. Il fallait, par exemple, que leur conception respecte la linéarité des façades des édifices résidentiels datant du XIXe siècle sur les rues Jeanne-Mance et Saint-Urbain. Sur l’avenue Président-Kennedy, le pavillon PK devait, lui, être à l’échelle des bâtiments d’une grande artère.

Entre 2003 et 2005, l’Université procède au parachèvement du Complexe avec la construction du pavillon des Sciences biologiques, de résidences étudiantes, du Cœur des sciences et d’un pavillon qui loge aujourd’hui le Département de psychologie et porte le nom Adrien-Pinard, en hommage à l’éminent psychologue et professeur émérite.

Un bâtiment vert

Avec sa façade de verre ondulé, le pavillon des Sciences biologiques évoque la spirale de l’ADN. Il a reçu, en 2007, la certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) décernée aux bâtiments verts par le US Green Building Council. Le pavillon respecte en effet plusieurs critères de la grille LEED : accès au transport en commun, stationnements pour vélos équipés de douches pour les cyclistes, design novateur permettant d’économiser l’eau potable, performance énergétique de l’enveloppe extérieure, systèmes de traitement de l’air et de récupération des eaux de pluie.

La cour intérieure du pavillon des Sciences biologiques en 2006. Photo: Claude Cormier et associés

Situé au centre du Complexe, le Cœur des sciences héberge un amphithéâtre, une médiathèque, une agora, une salle polyvalente et la Bibliothèque des sciences. Grâce à des activités variées – conférences, spectacles, films, balades urbaines,excursions, ateliers et expositions – qui affichent souvent complet, il contribue à la promotion de la culture scientifique auprès du grand public, mais aussi des élèves du collégial et du secondaire.

Le fait d’avoir rassemblé tous les départements dans un même périmètre a permis de développer le sentiment d’appartenance à la Faculté des sciences et à son campus, tout en leur procurant une plus grande visibilité, affirment Enrico Torlaschi et Jean-François Giroux. «La présence d’un campus disposant de bâtiments et d’infrastructures modernes exerce un attrait particulier auprès des étudiants, observe Enrico Torlaschi. Même si beaucoup de gens associent encore l’UQAM aux sciences sociales et humaines, il est de plus en plus difficile d’ignorer qu’il s’y fait aussi de la science, et de la très bonne science.»

Source: INTER, magazine de l’Université du Québec à Montréal, Vol. 13, no 1, printemps 2015.